Une thèse sur une alliance Arabie Saoudite-Israël-Egypte contre Gaza suscite des polémiques .: le 26 juillet 2014
Dans cet article, publié sur le site Huffington Post Maghreb, Hamdi Baala revient sur l’analyse de David Hearst.
L’Arabie Saoudite alliée avec l’Egypte et Israël dans la guerre contre Gaza ? Cette thèse défendue dans une analyse publiée le 20 juillet dernier, par David Hearst, éditeur du site d’informations Middle East Eye, suscite une réaction véhémente de la part des autorités saoudiennes.
Dans son article, David Hearst, évoquait les liens entre l’Arabie Saoudite, l’Egypte et Israël durant l’offensive de cette dernière contre la bande de Gaza. L’ennemi commun des trois pays, le Hamas, serait selon David Heast la raison principale de cette alliance émergente. Les enjeux sont clairs : provoquer l’affaiblissement et éventuellement la chute du Hamas, placer un nouveau gouvernement à Gaza et faire face à d’autres ennemis en commun, comme l’Iran. David Hearst cite comme arguments des propos d’officiels US et Israéliens. Dan Shapiro, ambassadeur américain à Tel Aviv, déclarait sur une chaîne de télévision israélienne que son pays cherchait à aider les "forces modérées" (comprendre l’Autorité Palestinienne) pour devenir plus fortes à Gaza.
L’ancien ministre de Défense israélien, Shaul Mofaz, déclarait sur la chaîne de télévision Channel 10 qu’Israël devait spécifier un rôle pour l’Egypte, l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis dans la démilitarisation du Hamas. Il explique mieux ses propos en ajoutant que les fonds saoudiens et émiratis devraient être utilisés pour la reconstruction de Gaza une fois le Hamas évincé. Les propos de Amos Gilad, coordinateur politique du ministère de la Défense israélien, enfoncent le clou : "tout se passe en secret, rien n’est public, mais notre coopération sécuritaire avec l’Egypte et les Etats du Golfe est unique. Il s’agit de la meilleure période de coopération sécuritaire et diplomatique avec les arabes".
Une "insulte grotesque"
Les autorités saoudiennes ont réagi à cette analyse, reprise dans plusieurs médias arabes, par un communiqué au ton dur publié vendredi 26 juillet par l’ambassadeur d’’Arabie Saoudite à Londres,le prince Mohammed bin Nawaf Al Saud , rejetant totalement les propos de David Hearst les qualifiant de "mensonges sans bases", "dénués de tout fondement". "Est-ce votre intention d’insulter ou ignorez-vous complètement l’Histoire et la politique du Moyen-Orient ?" écrit le Prince. Il y réaffirme le soutien de l’Arabie Saoudite aux palestiniens en dénonçant "la brutalité et la disproportion de l’action israélienne contre la population civile dans la bande de Gaza" qui est un "crime contre l’humanité".
Croire que l’Arabie Saoudite appuie l’action israélienne à Gaza est "franchement une insulte grotesque" d’autant, ajoute-t-il "qu’Israël ne se défend pas mais assassine des enfants sans défense et des familles entières". L’ambassadeur n’hésite pas à parler de "génocide". Les accusations de "collusion" de l’Arabie Saoudite avec Israël sont assez récurrentes dans certains médias arabes, en général militants. Elles font partie des polémiques qui traversent le monde arabe. Des écrits pareils sont cependant assez rares dans les médias occidentaux même si on a souvent tendance à mettre en exergue le fait que l’Iran est une "cause commune" entre Israël et l’Arabie Saoudite et qu’ils ont tendance à y voir "l’ennemi principal".
Le rapport de Debkafile
L’article de David Hearst, relayé par quelques journaux arabes et iraniens, a été suivi par un rapport publié par le site d’informations Debkafile, réputé proche du Mossad, qui décrit l’offensive israélienne actuelle sur la bande de Gaza comme le "baptême de feu" de la nouvelle alliance entre Israël, l’Arabie Saoudite et l’Egypte.
Le rapport, cité par Middle East Eye, avance que le roi Abdallah de l’Arabie Saoudite, le président égyptien Abdel Fattah Al Sissi et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu sont en "communication continue" depuis le début de l’opération "Bordure de Protection", avec des conférences quotidiennes et des appels sur lignes téléphoniques sécurisées. Un avion israélien spécial est même garé en permanence à l’aéroport militaire du Caire pour transporter des messages top secrets entre Sissi et Netanyahu, indique le site.
Selon le même rapport, l’ex-chef du renseignement saoudien et actuel conseiller spécial du roi Abdullah, le prince Bandar Bin Sultan, assure la partie du dialogue pour le souverain saoudien. Bandar aurait gardé des "liens étroits" avec le chef du Mossad, Tamir Pardo. Le patron du Shin Bet, le service de sécurité intérieure israélien, Yoram Cohen, le coordinateur politique du ministère de la Défense israélien, Amos Gilad ainsi que Yitzhak Molcho, premier conseiller de Netanyahu, assurent de leur côté le contact avec l’Egypte. Cette troïka vise à affaiblir l’aile militaire du Hamas, à réduire son influence politique et éventuellement à installer un nouveau gouvernement à Gaza une fois le mouvement de Khaled Meshal écrasé.
Debkafile rapporte également que pour obtenir l’accord de l’Egypte et de l’Arabie Saoudite, Netanyahu a dû sacrifier un principe central de l’Etat hébreu : garder Gaza et la Cisjordanie séparées. Il a donné son consentement pour une autorité palestinienne unifiée en échange d’une couverture diplomatique de la part de ses nouveaux alliés contre la pression internationale sur Israël afin d’arrêter l’offensive sur Gaza en moitié de chemin.
Les trois alliés auraient même proposé un premier cessez-le-feu en des termes qu’ils savaient inacceptables pour le Hamas mais qui donnerait la supériorité morale à Israël. L’offensive sur Gaza serait le baptême de feu de cette troïka qui aurait dans son viseur des futurs ennemis comme l’Iran et les islamistes.
Hamdi BAALA © Al Huffington Post Maghreb (France)
L’auteur est éditeur du site d’information Huffington Post Maghreb.