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Une réinvention radicale du djihadisme : La dynamique inédite de l’Organisation de l’Etat islamique

.: le 9 août 2016

Dans cet article, Peter Harling explique comment l’Organisation de l’Etat islamique a su donner une nouvelle dynamique au mouvement djihadiste alors fragilisé par la Guerre civile syrienne.

L’organisation de l’État islamique (OEI) a renouvelé le mouvement djihadiste. Alors que celui-ci avait fini par s’autodétruire, l’OEI a su utiliser le vide créé par la guerre en Syrie pour se réinventer et renaître. C’est désormais une force dépourvue d’idéologie qui s’installe dans une région où les États sont en totale déliquescence. Et cette force est capable d’exploiter les erreurs, les excès, les faiblesses et les insuffisances de ceux qui le combattent.

Le djihadisme au Proche-Orient a de beaux jours devant lui. Un seuil semble bien avoir été franchi au-delà duquel la réponse à la menace grandissante du djihadisme perpétue et exacerbe les causes mêmes du phénomène dans une spirale qui enfle à chaque rotation.

Le recours de plus en plus fréquent aux bombardements aériens a détruit, jour après jour, le paysage urbain de la région et ravagé son tissu social. Des villes entières sont rayées de la carte et des millions de personnes contraintes de fuir, plongées dans des situations de désespoir extrême. La si nécessaire aide humanitaire se fait rare, contrairement à l’intolérance et à la discrimination. Le développement des milices aux dépens des armées régulières est alimenté par une course effrénée aux armements qui ne pourra qu’affaiblir les États existants, et nourrit ce qui est devenu un "système de radicalisation" dans la région. Des opérations militaires sont continuellement conduites sans que l’on pense un instant à une normalisation politique ultérieure ou à une reconstruction de l’économie. Paradoxalement, les menaces djihadistes servent de prétexte pour n’aborder aucune des questions politiques et socio-économiques les plus urgentes. Plus la situation empire, plus le statu quo se dégrade, plus il semble avoir le soutien des acteurs-clés et des principaux protagonistes.

Remonter dans le temps

Pendant ce temps, le mouvement djihadiste profite à plein du contexte en mutation pour se réinventer. Pour appréhender pleinement sa transformation dialectique et ses perspectives d’avenir, il est nécessaire de remonter le temps jusqu’au djihad afghan des années 1980. Ses caractéristiques étaient alors à l’exact opposé du phénomène actuel. À l’époque, une lutte circonscrite à l’occupation soviétique, dans un environnement extrêmement hostile — l’Afghanistan —, avait attiré un petit nombre de combattants étrangers dont l’acheminement, organisé par des États, était le point culminant d’un riche parcours idéologique.

La deuxième étape de cette chronologie sommaire du mouvement djihadiste est son émancipation du soutien des États et son rapatriement dans le monde arabe. Dans les années 1990, de petites cellules djihadistes ont essaimé à travers la région. Elles se sont développées autour des "Arabes afghans" qui tiraient leur charisme de leurs qualifications théologiques et de leur expérience militaire. De retour dans leurs pays respectifs, ils se sont donné un autre adversaire en la personne des régimes autoritaires sous lesquels ils vivaient. Ils n’ont pu gagner du terrain qu’en Égypte et en Algérie, ou leur cuisante défaite a contribué à émousser leur crédit partout ailleurs. En parallèle, l’ordre post-soviétique en Afghanistan a favorisé le développement d’un djihadisme global, hautement hiérarchisé, médiatisé, connu sous le nom d’Al-Qaida, conceptualisé par Oussama Ben Laden et qui a connu son apogée avec les attentats-suicides du 11 septembre 2001.

Un troisième chapitre a été ouvert avec l’invasion de l’Irak en 2003. Le renversement d’un régime en faillite dans un pays déjà en pièces, du fait de guerres traumatiques et d’interminables sanctions internationales, a créé le premier véritable vide dans lequel s’est infiltré le mouvement djihadiste — comme un présage des vides à venir une décennie plus tard. À l’origine, ses figures dominantes étaient issues de la génération des "Afghans arabes", qui se sont fait une place sur la scène irakienne grâce à une combinaison d’atouts : le prestige récemment acquis d’Al-Qaida (puis rapidement perdu) ; la facilité de celui-ci à utiliser les médias ; l’usage spectaculaire des missions-suicides qui donnaient un avantage aux djihadistes sur les principaux groupes armés s’opposant à l’occupation américaine ; et d’autres tactiques asymétriques peaufinées en Afghanistan, comme les engins explosifs artisanaux, un usage assez sophistiqué des lance-roquettes, etc.

Finalement, le mouvement djihadiste s’est autodétruit par le jeu de diverses dynamiques délétères. En premier lieu, même s’il a su attirer une multitude de combattants étrangers venus de la région et du monde musulman, il ne les a utilisés que comme chair à canon pour les attentats-suicides. En grande partie inaptes au combat, ils revenaient trop cher en matière d’hébergement, d’entraînement, d’équipement et de gestion. Le difficile périple en Irak s’est donc avéré trop décevant pour ceux qui recherchaient une aventure plus romantique, et le pouvoir d’attraction du mouvement s’en est trouvé affecté. Puis les horribles formes de violence auxquelles les djihadistes recouraient n’avaient pas encore été banalisées comme aujourd’hui, pour des raisons qui seront abordées plus avant, et suscitaient des réactions très négatives au sein du public cible du mouvement. En troisième lieu, l’abandon de la lutte contre les États-Unis, "l’ennemi lointain" dont Ben Laden avait fait sa priorité en faveur d’un combat contre les "apostats" chiites voisins, même s’il a pu galvaniser les coreligionnaires sunnites, les a aussi opposés à un adversaire qui était profondément ancré dans la société locale, contrairement aux forces d’occupation soviétiques (en Afghanistan) et américaines (en Irak).

Enfin, et surtout, les changements rapides au sein des structures dirigeantes djihadistes que les Américains prenaient systématiquement pour cibles. Les cadres expérimentés ont été remplacés par des personnalités de plus en plus jeunes, à la légitimité moindre. Bien qu’ils étaient pour la plupart originaires d’Irak, leur férocité est devenue insensée. Dépourvus de réelles qualifications religieuses ou militaires, ils se sont imposés par une ultraviolence qui peu à peu s’est retournée contre ceux qui partageaient leur voisinage immédiat. L’intimidation et les tueries aveugles de notables sunnites ont fait le lit de la rébellion sur laquelle les États-Unis ont misé à partir de 2007, plus connue désormais sous le nom de "réveil". En laissant sa violence évoluer, le mouvement djihadiste a implosé.

Le facteur syrien

Sa renaissance depuis 2003, en Irak comme en Syrie, est la conséquence d’un large éventail de facteurs qu’il serait trop long de détailler. Il suffit de dire que le conflit syrien a radicalement changé le modèle irakien des origines. Le large mouvement populaire qui s’est développé face au régime de Bachar Al-Assad — que celui-ci a tout fait pour radicaliser — a constitué un immense réservoir de recrues potentielles. Non seulement le gouvernement s’est retiré de vastes étendues de son propre territoire, mais il a déployé des tactiques extrêmes habituellement réservées à des adversaires en territoire étranger, usant de missiles balistiques et d’armes chimiques. Le vide qu’il a ainsi laissé émerger dans le pays s’est vite révélé plus vaste que celui qui s’était formé en Irak sous occupation américaine. Les inimaginables formes et niveaux de violence pratiqués par le régime syrien et ses alliés ont rendu moins insupportable la brutalité des djihadistes aux yeux de nombreuses victimes et d’observateurs. Les djihadistes ont aussi retenu la leçon de leur débâcle en Irak. Ils ont très vite compris le besoin d’éliminer de possibles rivaux arabes sunnites tout en s’attirant les bonnes grâces des résidents dans les zones où ils ambitionnaient de s’installer. Qui plus est, l’omniprésence des milices et la perte de confiance dans "l’État" comme cadre de référence de l’individu ont facilité l’acceptation des djihadistes en l’absence d’autres solutions tangibles. Un autre changement capital a concerné les volontaires étrangers. Dans les premiers temps, le voyage en Syrie était singulièrement bon marché et sans risque. Pour ceux qui avaient de l’argent, les conditions de vie sur le terrain étaient relativement faciles pour une zone de guerre. La numérisation du monde crée un djihad connecté, mobile, au sein duquel les combattants (comme tous les migrants) déploient sur les réseaux sociaux une image d’eux-mêmes résolument gratifiante, communiquent facilement avec leurs proches restés à la maison et peuvent même espérer les attirer à leurs côtés. Nombreux sont ceux qui tirent plus de tweets que de balles.

La mince couche d’expertise militaire et de conviction religieuse qui caractérise beaucoup de volontaires étrangers les a amenés à compenser leurs manques par d’autres moyens : ils se ménagent un créneau où se conjuguent aptitude à la communication et sadisme sans entrave. Une telle érotisation de la violence est symptomatique d’une sous-culture du déracinement, de la globalisation et du ressentiment, qui a plus à voir avec les fusillades américaines en milieu scolaire qu’avec le mouvement djihadiste que nous avions connu jusqu’alors.

Si l’on veut mieux comprendre le mouvement djihadiste, une grave erreur serait de l’analyser hors de son contexte et de tenter d’y trouver une explication logique en se basant sur des schémas hérités du passé. Le très fort intérêt produit par les discussions qui présentent l’État islamique en Irak et au Levant comme la créature de quelque cerveau baasiste nous en dit plus sur notre besoin pressant de trouver une interprétation commode et claire qu’il ne nous apporte de réponse aux sujets du débat. D’ailleurs, il est important de souligner que quelques-uns des pires aspects de l’OEI n’ont rien de spécifiquement proche-oriental ou musulman. La pornographie de la violence constitue en soi un système qui rassemble des ennemis présumés, que ce soit à travers la contagieuse esthétique sécuritaire américaine, le renouveau des partis d’extrême droite en Europe, les gesticulations viriles de leaders même démocratiques saturés de testostérone, trop contents de "frapper" sans stratégie particulière, la glorification d’armées misérables par les régimes arabes, ou la culture qui émane de milices qui balaient la région encouragées avec enthousiasme par des pays comme l’Iran, etc. Tous proposent plus ou moins la même chose : une vision du monde musclée et binaire qui fait fi des complexités et des anxiétés de la vie moderne et qui permet une violence de soi-disant justiciers vécue comme une forme instantanée de libération et d’accomplissement.

Une organisation à la UBER

L’OEI apporte une nouvelle dynamique et établit un précédent qui sans nul doute affectera et peut-être même reconfigurera plus largement le mouvement djihadiste. Un premier "succès" djihadiste dans un monde arabe en déliquescence est en soi un tournant décisif. Bien qu’il semble relativement facile de le contenir dans des zones comme la Syrie orientale et le nord-ouest de l’Irak, il serait naïf de sous-estimer le réel danger qu’il représente compte tenu de sa capacité à s’adapter, se renouveler, inspirer d’autres individus et exploiter à son profit les réactions de ses adversaires.

Au nombre des aspects les plus marquants de ce modèle, on peut notamment relever les points suivants : l’OEI apparaît moins hiérarchisé et plus structuré en réseau horizontal que n’importe lequel de ses prédécesseurs djihadistes, notamment Al-Qaida. Même si Abou Bakr Al-Baghdadi apparaît comme une figure de proue, il ne semble pas qu’il cherche à imposer une vision doctrinale claire ; il n’est pas obsédé par les débats théologiques comme l’ont été ses prédécesseurs. Il s’est plutôt composé un personnage d’une remarquable neutralité, presque "personnage de synthèse", avare en déclarations, parlant sans accent, vêtu comme s’il cherchait à personnifier un calife tout droit sorti de la culture arabe populaire, et enclin le plus souvent à suivre le mouvement plutôt qu’à affirmer ostensiblement son autorité.

Sous Al-Baghdadi, l’impression est qu’il existe un réseau relativement peu étoffé de commandants qui jouissent d’une autonomie considérable et maintiennent néanmoins un surprenant niveau de cohésion, qui s’explique probablement par des échanges fréquents grâce aux outils de communication modernes. Si Al-Qaida incite à utiliser la métaphore de la "franchise", l’OEI fait davantage penser à Uber, qui repose sur l’agrégation d’auto-entrepreneurs utilisant une technologie numérique permettant à l’ensemble de fonctionner à faible coût. Dès lors, il a fait montre d’une compétence inhabituelle pour absorber les réseaux préexistants, des résidus de la bureaucratie des États aux restes du parti Baas jusqu’aux tribus les plus rebelles.

Dans cette logique, malgré ses pompeuses prétentions islamiques et sa brutalité sans concession, il se caractérise avant tout par son absence d’idéologie. Il n’a pas théorisé la notion d’État islamique au-delà de vagues et inconsistantes références, d’ailleurs impraticables, aux premiers temps mythifiés de l’ère islamique. Très symptomatique est son appellation originelle — "État islamique en Irak et au Levant" — qui combine à merveille en une seule phrase une dénomination contemporaine (l’Irak) et une autre historique (le Levant, en référence à l’ancienne Syrie). Il cherche clairement à se consolider dans des zones "à ventre mou" plutôt que de s’étendre au nom d’une vision territoriale précise, ce qui le conduirait à se dresser contre des ennemis plus "durs". C’est tout juste s’il a consenti quelques efforts nonchalants pour codifier et justifier son recours à la violence, calculés pour "faire le buzz" aux dépens de tout fondement éthique. Sa vision se résume essentiellement à des catégories simples — vidées des attributs théologiques — auxquels le mouvement djihadiste a été très sensible jusqu’à tout récemment.

Son pragmatisme relatif se reflète dans la diversité de ses membres, l’OEI possédant une rare qualité protéiforme qui lui permet de représenter différentes réalités aux yeux de différentes personnes. Ce pragmatisme est aussi perceptible dans la manière dont il traite avec son environnement social. Rivaux potentiels et minorités vulnérables ont beau être traités sauvagement, l’OEI recherche le soutien passif de la majorité, ce qui passe, d’un côté, par une préoccupation pour la gouvernance qui n’existait pas chez les anciens djihadistes et de l’autre, par une propension moindre que leurs aînés et leurs structures de pouvoir à compliquer systématiquement la vie des gens ordinaires. Par opposition aux comportements opaques, arbitraires et prédateurs dont étaient responsables leurs prédécesseurs (les anciens djihadistes, mais aussi les structures de régimes et autres milices), l’OEI énonce clairement ce qu’elle veut, et laisse étonnamment la population de débrouiller par elle-même.

L’érosion des superstructures

Le potentiel de l’OEI réside dans son environnement beaucoup plus que dans ses caractéristiques intrinsèques. Le Proche-Orient connaît une profonde transformation, qui tient en partie à l’érosion rapide des "superstructures". Le paysage stratégique — dans une région historiquement dessinée, pour le meilleur ou pour le pire, par des ingérences étrangères — est fluide, avec une politique américaine dépourvue de paradigme organisationnel, des voisins européens dans le désarroi, une Russie entrée en lice de manière agressive, la question de Palestine reléguée au second plan, une montée en puissance iranienne et de grandes capitales arabes balayées incapables de définir exactement leur rôle.

Une autre composante du tissu politique de la région, des États-nations construits autour de services de sécurité autoritaires, d’infrastructures hautement centralisées et de pouvoir personnalisés, se sont effondrés ou doivent faire face à des défis quasiment insurmontables. Des formes nationales de gouvernement se réduisent désormais à "diviser pour mieux régner", les régimes abandonnant toute ambition de forger une authentique unité et recherchant leur légitimité à travers la manipulation de dissensions internes et l’exploitation de la peur d’un effondrement collectif.

Pendant ce temps-là, des élites politiques et économiques kleptomanes qui ont amassé d’immenses fortunes — essentiellement en cannibalisant leurs États — restent indifférentes à la détérioration des services de base, une dynamique qui a toutes sortes d’effets dévastateurs sur l’éducation, la santé, la justice, etc.

Les structures infra-nationales ne semblent pas devoir constituer une solution de rechange, compte tenu de la fragmentation des cadres de référence communautaires, tribaux, professionnels et provinciaux. Même la structure familiale est perturbée, avec des parents qui ne sont plus en mesure de servir de modèles, des enfants qui ont le plus grand mal à se marier, des mécanismes de solidarité trop sollicités par des besoins qui ne cessent de s’accroître et un sentiment général de dislocation. Le nihilisme de la jeunesse en Irak, pays ravagé avant les autres de par une succession de guerres, les pénibles sanctions internationales dévastatrices des années 1990, la faillite de son régime et sa disparition précoce, devrait servir d’avertissement.

Dans la mesure où les dynamiques à l’œuvre sapent les superstructures, il est essentiel de prêter attention à ce qui émerge pour combler le vide. De nouvelles formes de leadership, d’organisation et de gouvernance, de nouvelles grilles de lecture, même rudimentaires et changeantes, commencent à façonner la région au moins tout autant que les héritages du passé. L’OEI en est un exemple. Cela constitue en soi un changement radical. Pour la première fois, le mouvement djihadiste ne procède pas d’une tentative de transformation de la société selon une vision programmatique qui viendrait du haut — avec des résultats qui sont généralement cantonnés aux marges —, mais il est le produit de profonds changements du tissu socio-économique et politique régional émanant de la base. Le problème appelle désormais une analyse entièrement nouvelle qui requiert un examen plus ambitieux et plus dynamique des conditions de son incubation.

Exploiter les réactions émotionnelles de l’adversaire

Une part du défi vient de la capacité instinctive de l’OEI à rechercher chez son ennemi une réaction émotionnelle plutôt que rationnelle. Pour y parvenir, il utilise une mise en scène morbide de la violence, taillée sur mesure. Étant elle-même issue du malaise des sociétés arabes et occidentales, l’OEI sait intuitivement comment capitaliser sur nos insécurités, nos hypocrisies et nos divisions. Dans un monde globalisé et digitalisé, elle gagne la guerre médiatique simplement en concentrant sur elle une attention démesurée.

En suscitant d’absurdes politiques qui sèment le chaos au sein des communautés locales tout en préservant et récompensant des systèmes politiques qui n’ont plus rien à offrir, l’OEI tire parti de la puissance de ses ennemis pour mieux dévaster les superstructures régionales et instiller au sein de sa base un profond sentiment d’injustice et une conscience victimaire.

Sa plus grande réussite a été d’entraîner ses ennemis dans ce qu’on pourrait appeler des "conflits ritualisés", qui n’épargnent rien d’autre qu’elle-même. Tandis que les gouvernements occidentaux tentent de gérer leur embarras en enterrrant la région sous les bombes, le régime syrien, la Russie, l’Iran et la plupart des autres gouvernements impliqués se contentent d’utiliser le mouvement djihadiste pour poursuivre des intérêts sans rapport avec lui. Un spectaculaire rassemblement d’acteurs, bien qu’hétéroclite, a ainsi formé, de facto, la plus grande coalition de l’histoire pour combattre ce qui n’est après tout qu’une milice. Ces puissantes forces occidentales, russes, arabes et iraniennes qui toutes ont déclaré l’OEI comme étant leur ennemi prioritaire ont provoqué beaucoup de destructions et obtenu de maigres résultats.

Pourtant, à chaque tournant de cette spirale destructrice, ces acteurs trouvent dans l’OEI des raisons de continuer leurs actions. L’Organisation de l’État islamique vole d’ailleurs à leur secours avec quelque nouvel étalage de perversité, un autre échantillon de son musée des horreurs, leur faisant oublier leurs échecs collectifs et individuels. Ainsi, ils évitent d’avoir à faire un examen de conscience nécessaire avant de s’attaquer aux nombreux vrais problèmes qui promettent une longue vie au mouvement djihadiste.

Peter HARLING © Orient XXI (France)

Peter Harling est conseiller de l’International Crisis Group pour le monde arabe.

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