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Analyses

France-Syrie : le pompon sur le manège

.: le 3 février 2009

Dans un article évoquant la "guerre froide" qui divise le Moyen-Orient en deux blocs de plus en plus distincts, la journaliste franco-israélienne Nathalie Szerman explique comment Nicolas Sarkozy renforce le camp opposé aux pays arabes modérés en sortant la Syrie de son isolement.

On ne peut manquer d’être surpris par la naïveté de Nicolas Sarkozy dans son approche des conflits du Moyen-Orient. Faisant penser à cet enfant qui souhaite décrocher “le pompon sur le manège” évoqué par Ségolène Royal dans son livre Femme debout, en référence au président, Sarkozy semble avoir décidé que là où maints fins diplomates ont échoué à négocier une paix durable, lui et lui seul y arriverait.

Naïveté allant de pair avec de bonnes, et même d’excellentes intentions, qui pêche toutefois par son mépris de prédécesseurs mieux au fait des rouages d’une situation extrêmement complexe. Sarkozy connaît-il bien le Moyen-Orient, est-on en droit de se demander, quand il tourne en rond au lieu de répondre directement à un journaliste qui lui demande, pour le tester, si Al-Qaïda est chiite ou sunnite…

Pour réussir la paix au Moyen-Orient, Sarkozy a élaboré une stratégie originale à laquelle Jacques Chirac ne se serait pas risqué : sortir la Syrie de son isolement. Sarkozy pensait sans doute briser de la sorte l’axe irano-syrien en faisant valoir à Bachar el-Assad les avantages de la coopération avec l’Europe et de la reconnaissance internationale. Et aujourd’hui encore, Sarkozy semble très fier de ce “coup de maître”, dont peut se vanter la France. Et de fait, Sarkozy a sorti la Syrie de son isolement et compte peut-être maintenant faire appel à ses bons services pour promouvoir la paix inter-palestinienne. La Syrie qui a bien sûr tenu tous ses engagements…

La Syrie devait obtenir une plus grande transparence de l’Iran sur le dossier nucléaire… Mais surtout, qu’en est-il de l’ambassade de Syrie au Liban, promesse à ce jour non tenue ? Certes, l’immeuble de l’ambassade est prêt à recevoir le diplomate et le drapeau syrien flotte déjà dans le ciel libanais, mais où est donc l’ambassadeur, dont nul ne connaît encore le nom, et qui devait entrer en fonction avant fin 2008 ? Il est intéressant de constater que le Liban, en revanche, a déjà nommé son ambassadeur en Syrie, Michel el-Khoury, approuvé par la Syrie, auquel il ne reste plus qu’à entrer en fonctions…

Sarkozy a donc sorti la Syrie de sa bulle, et en conséquences, a renforcé l’axe irano-syrien, vu qu’Assad n’a jamais manifesté la moindre intention d’affaiblir l’Iran. Or l’axe irano-syrien, c’est aujourd’hui - et très clairement depuis le sommet de dialogue national de Doha de mai 2008, initié par le Qatar - l’axe Iran-Syrie-Qatar-Hezbollah-Hamas. Face à ce camp, celui des pays sunnites modérés : l’Egypte, l’Arabie saoudite et la Jordanie. C’est là le fossé qui se creuse inexorablement, et par à coups, au Moyen-Orient, depuis la Révolution islamique d’Iran, et qui apparaît plus clairement que jamais depuis l’intervention israélienne au Liban en juillet-août 2006 et le clash consécutif de 2008 entre Hezbollah et Forces du 14 Mars, puis avec la Guerre de Gaza, où la position de l’Egypte, très ferme vis-à-vis du Hamas, s’est opposée à celle de l’Iran, du Qatar et… de la Syrie [1].

Il n’est pas facile de changer le monde, et occulter cette “guerre froide” (pour reprendre l’expression d’un journaliste du Monde faisant référence au fossé séparant ces deux blocs au sein même de la Ligue arabe) en jouant à sortir la Syrie de son isolement, est un jeu dangereux. Ce sont au contraire les pays arabes modérés qui devraient être appuyés par la France et l’Europe, et notamment l’Egypte, dont le rôle de médiateur ne doit pas être méprisé ou minimisé, mais au contraire reconnu et encouragé. Car c’est en encourageant les puissances modérées que l’on contribuera à une paix réaliste, non en espérant convertir la Syrie.

Nathalie SZERMAN © Middle East Pact

Notes

[1] Voir le rapport de MEMRI sur le sujet.

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