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Analyses

Rapprochement triangulaire Israël - Turquie - Hamas ?

.: le 19 août 2015

Emmanuel Navon analyse pour le site i24News, le rapprochement entre Israël et la Turquie du à un possible accord sur le gaz et donc les conséquences que pourraient avoir cet accord et ce rapprochement pour la bande de Gaza et pour le Hamas, parrainé par les Turcs.

L’approbation tant attendue de l’accord sur le gaz naturel par le gouvernement israélien (une approbation dont j’avais souligné l’importance dans une chronique précédente), a le potentiel de transformer Israël en un exportateur majeur d’énergie et donc en un autre type d’acteur géopolitique. Ce changement se fait déjà sentir vis-à-vis d’un ancien allié régional : la Turquie. En septembre 2014, les propriétaires du champ gazier Leviathan (Noble Energy et le Groupe Delek) ont signé un accord avec la société nationale d’électricité jordanienne (NEPCO) pour l’exportation de 45 Gm3 (gigamètres cubes) de gaz naturel sur quinze ans.

En juin 2015, Noble Energy et Delek ont ​​signé une lettre d’intention avec British Gas pour fournir 105 Gm3 de gaz naturel sur une période de 15 ans à sa station de GNL (gaz naturel liquéfié), située à Idku en Egypte. Quant à la Turquie, elle est également intéressée par le gaz naturel d’Israël. Le PDG de la société d’énergie turque Turcas, Batu Aksoy, a récemment déclaré : « nous pouvons encore créer une opportunité où tout le monde y gagnerait. Il y a de grandes quantités de gaz là-bas [en Israël] et ils [les Israéliens] veulent fournir du gaz à l’Egypte et la Turquie."

Turcas a ajouté que "s’ils [les Israéliens] fournissent à la Turquie 8-10 Gm3 par an et signent un accord gazier de 20 ans, cela répondra aux besoins de la Turquie." En d’autres termes, Israël peut répondre aux besoins de la Turquie en gaz naturel et la Turquie est intéressée à devenir un client majeur d’Israël. La Turquie dépend du gaz naturel pour la production de 50% de son électricité, et sa consommation de gaz naturel devrait doubler au cours des vingt prochaines années.

La Turquie, cependant, n’a pas de ressources en gaz naturel et dépend de fournisseurs coûteux tels que la Russie, l’Iran et l’Azerbaïdjan. Turcas serait en train de négocier l’achat de 7 Gm3 de gaz naturel par an provenant du champ israélien Leviathan pour les 20 prochaines années. Un tel accord permettrait à la Turquie de réduire le coût de ses importations gazières car le gaz israélien serait livré via un gazoduc reliant la Turquie à Leviathan (acheter du GNL de la Russie est beaucoup plus coûteux).

Pourtant, sous la direction de Recep Erdogan, la Turquie aurait du mal à signer un contrat de plusieurs milliards de dollars avec Israël sans honorer son engagement d’alléger le blocus naval de la bande de Gaza. Yasin Aktay, conseiller du Premier ministre turc Ahmet Davutoglu, a récemment révélé que la Turquie est en pourparlers avec le gouvernement de la partie grecque de Chypre pour la création d’un port maritime qui livrerait des marchandises à la bande de Gaza sous contrôle international (éventuellement par des forces de l’OTAN). La Turquie serait également en train de servir d’intermédiaire pour la négociation d’un cessez-le feu à long terme entre le Hamas et Israël.

Si la Turquie signe un accord de gaz naturel avec Israël sans obtenir la levée partielle du blocus maritime de la bande de Gaza, elle sera accusée d’abandonner les Gazaouites à leur sort. Pour Israël, une levée partielle du blocus de Gaza sous le contrôle de l’OTAN et un accord de cessez-le feu à long terme avec le Hamas pourraient avoir certains avantages –à condition bien sûr que les termes d’un tel accord soient raisonnables. Les récents efforts diplomatiques de la Turquie pour obtenir une levée partielle du blocus de Gaza doivent donc être compris dans le contexte plus large de l’émergence d’Israël comme important exportateur de gaz naturel, et des besoins énergétiques de la Turquie.

La Turquie a besoin du gaz d’Israël, mais elle a aussi besoin de sauver la face vis-à-vis le Hamas. Les énormes réserves de gaz naturel d’Israël constituent un nouvel atout sans précédent dans sa politique étrangère. Les anciennes relations stratégiques entre Israël et la Turquie sont sans doute irréparables, en particulier tant qu’Erdogan est au pouvoir, mais les intérêts mutuels créés par les ressources gazières d’Israël sont susceptibles de stabiliser les relations bilatérales, dans l’intérêt des deux pays et de la région.

Emmanuel Navon © i24news (Israël)

Emmanuel Navon dirige le département de Science politique et de Communication au Collège universitaire orthodoxe de Jérusalem et enseigne les relations internationales à l’Université de Tel Aviv et au Centre interdisciplinaire d’Herzliya.

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