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Où est l’ambassadeur de Syrie au Liban ?

.: le 23 mars 2009

En juillet 2008 à Paris (sommet de l’Union pour la Méditerranée), le président Sarkozy sortait la Syrie de son isolement. En contrepartie, le régime de Damas devait notamment nommer, avant fin 2008, un ambassadeur de Syrie au Liban. Le pas n’a toujours pas été franchi, déplore Nathalie Szerman, conseillère du MEP, dans le journal Le Monde.

Vous souvenez-vous du sommet du 13 juillet 2008 à Paris, sommet de lancement de l’Union pour la Méditerranée ? Etait convié le très contesté président de Syrie, qui assistait en outre, le lendemain, aux festivités du 14 juillet. Sarkozy sortait ainsi la Syrie de son isolement, présentée au monde entier comme un partenaire. Il espérait peut-être ébrécher l’alliance irano-syrienne en faisant valoir à Bashar Assad les avantages de la coopération avec l’Europe. En échange de cette nouvelle reconnaissance internationale, la Syrie devait au moins nommer un ambassadeur de Syrie au Liban – avant fin 2008.

Certes, l’immeuble de l’ambassade est aujourd’hui prêt à recevoir le diplomate et le drapeau syrien flotte dans le ciel libanais, mais où est donc l’ambassadeur, dont nul ne connaît encore le nom ? Le Liban, en revanche, a déjà nommé son ambassadeur en Syrie, Michel El-Khoury, qui doit entrer en fonction fin mars, nous dit-on. Chronologie d’une plaisanterie qui dure :

5 janvier 2008 : Le ministre syrien des Affaires étrangères Walid Mouallem confirme que l’ambassade de Syrie au Liban sera établie avant fin 2008. Quant à la nomination d’un ambassadeur, "elle aura lieu progressivement" (iloubnan.info). Un adverbe qui laisse rêveur…

23 février 2009 : Bernard Kouchner précise (Al-Sharq Al-Awsat) que passe encore un petit retard, mais que si la Syrie envisageait de ne pas envoyer d’ambassadeur, ce serait “grave”.

17 février 2009 : Dans une interview au quotidien syrien Al-Watan, Buthayna Shaaban, conseillère d’Al-Assad, évoque avec légèreté la nomination d’un ambassadeur au Liban : “Nous avons treize ambassades sans ambassadeurs. Tout dépend des moyens et de la situation du ministre syrien des Affaires étrangères. Il n’y a pas de rapport entre [la nomination d’un ambassadeur] et les liens amicaux, l’entente et la proximité existant entre les peuples de deux nations (…)” La Syrie entend donc bénéficier des avantages de l’amitié de la France. La France se contentera pour sa part des beaux yeux de Bashar.

En attendant, la Syrie est bel et bien sortie de son isolement politique et ne s’en plaint pas : L’ambassadeur de Syrie aux Etats-Unis Imad Moustapha doit rencontrer à Washington un haut responsable du département d’Etat. Cette rencontre pourrait “constituer le début d’une ouverture dans les relations syro-américaines”, selon M. Moustapha (AFP, 25 février 2009).

Bon… Le cap des deux mois de retard est désormais franchi. Est-ce “grave”, Dr Kouchner, ou pas encore ?

Mars 2009 : Sarkozy, qui semble s’impatienter, déclare à Charm El Cheikh, lors de la conférence co-présidée avec Hosni Moubarak sur la reconstruction de Gaza : “Je dis aux pays qui ont des liens avec le Hamas : vous avez une responsabilité particulière pour exiger du Hamas qu’il rejoigne le président Abbas (…)” Par ces mots, il fait signe à la Syrie (qui héberge Khaled Mechaal à Damas) que le temps est venu de rendre la pareille ! Si ce n’est par la nomination d’un ambassadeur, au moins en exerçant des pressions sur le Hamas !

Mais revenons-en à l’ambassadeur : selon une source française haut placée, Paris n’a pas encore reçu du gouvernement syrien d’explication satisfaisante au retard de la nomination d’un ambassadeur de Syrie à Beyrouth, et a demandé au président du Yémen, Ali Abdullah Saleh, de clarifier la situation.

Il semble toutefois que l’on puisse se passer des services du président yéménite : Al-Akhbar (Liban, 3 mars 2009) explique que la Syrie est intéressée à ce que l’opposition libanaise (pro-syrienne) remporte les élections législatives, prévues pour le 7 juin 2009, et obtienne la majorité au parlement. Or il est clair que la nomination d’un ambassadeur au Liban affaiblirait l’opposition pro-syrienne en ces temps cruciaux.

D’ailleurs, le paquet est mis pour que ces élections soient remportées par le Hezbollah : selon le Centre de recherche économique Info Prod, le Hezbollah libanais a dernièrement reçu un milliard de dollars (798 millions d’euros) destinés à sa campagne électorale. Elections cruciales pour l’Iran (et son influence dans la région), qui aurait octroyé 600 millions de dollars. Le Qatar (allié de l’Iran) aurait fait don de 300 millions de dollars. Il est certain qu’avec une mise pareille, un petit rigolo d’ambassadeur au Liban ne serait pas le bienvenu.

Et ce n’est pas tout : le 6 mars 2009, Wael Abu Fa’ur, qui appartient au parti du leader druze Walid Jumblatt (anti-syrien allié des Forces du 14 mars), accuse la Syrie d’ingérence dans la campagne électorale libanaise : la Syrie serait occupée à nommer les candidats de plusieurs listes électorales et à former des alliances. La Syrie gèrerait en outre un fonds électoral auquel plusieurs pays ont participé (Al-Sharq Al-Awsat, 4 mars 2009). Le fonds du milliard de dollars ? Non, celui-là, c’est l’Iran qui le gère ! L’Iran ou ses amis très proches.

Nathalie SZERMAN © Le Monde (France)

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