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Analyses

Syrie : négocier quoi et avec qui ?

.: le 13 août 2015

Antony Samrani analyse pour L’Orient Le Jour, les récents rapprochements entre l’Arabie saoudite et la Russie. Partant de pourparlers entre russes et saoudiens à St Pétersbourg et d’une rencontre entre Ali Mamlouk et Mohammed ben Salmane, Antony Samrani essaye d’anticiper la marge de manoeuvres des différents négociateurs après le refus saoudien de la coalition proposée par les autorités russes.

Sans véritable surprise, l’accord sur le nucléaire iranien, conclu à Vienne le 14 juillet dernier, a accéléré le processus de négociations autour du dossier syrien. Il a ouvert une première brèche qui a permis, en un temps restreint, la multiplication des contacts entre les différents protagonistes : rencontre tripartite entre Saoudiens, Américains et Russes à Doha le 3 août ; visite de Walid Moallem à Mascate le 6 août ; réunion entre Saoudiens et Russes le 11 août – sans compter l’énigmatique entretien entre le chef de l’appareil sécuritaire syrien, Ali Mamlouk, et le vice-prince héritier saoudien, également ministre de la Défense, Mohammad ben Salmane. Compte tenu du fait que tous ces acteurs sont directement impliqués dans la crise syrienne, la reprise du dialogue entre eux est évidemment un signe positif. Mais pour comprendre si ces tractations diplomatiques peuvent aboutir à un réel processus de paix, il est nécessaire de répondre à deux questions : quelle est la marge de manœuvre des différents négociateurs ? Et s’ils arrivent à s’entendre sur un socle commun, peuvent-ils l’imposer à l’ensemble des belligérants ?

Socle commun

Russes, Américains et Saoudiens semblent pouvoir s’entendre sur deux points. Un : l’urgence d’endiguer la menace de l’État islamique (EI), à défaut de pouvoir l’annihiler dans l’immédiat. Deux : la nécessité de préserver les institutions syriennes dans un éventuel processus de transition du pouvoir. Il reste toutefois un point fondamental de divergences entre les Russes, d’une part, et les Saoudiens, et dans une moindre mesure, les Américains, d’autre part. Si pour Moscou, la question du départ du président syrien, Bachar-el Assad, n’est pas une priorité, pour Riyad, c’est une condition indispensable pour régler le conflit. Sans surprise, les Saoudiens ont refusé l’offre russe de rentrer dans une nouvelle coalition, incluant l’Iran, l’Irak et le régime syrien, pour lutter contre l’EI. Du côté des Américains, si le départ de Bachar el-Assad n’apparaît plus comme une priorité, il n’est pas pour autant question de coopérer officiellement avec Damas pour lutter contre l’organisation jihadiste. Les Américains semblent plutôt avoir hiérarchisé leurs ennemis en Syrie : d’abord l’EI, ensuite le Front al-Nosra, branche d’el-Qaëda en Syrie, puis le régime syrien. Pour avoir une chance réelle d’aboutir, l’initiative russe doit nécessairement inclure, à court ou à moyen terme, le départ du président syrien. Or, à ce niveau-là, les Russes sont un peu coincés : d’une part par l’absence d’alternative crédible, qui protégerait tout autant leurs intérêts, à M. Assad ; d’autre part par la position plus rigide de leurs alliés iraniens. Aucune négociation sérieuse sur la Syrie ne peut se faire sans l’Iran. Encore plus que Moscou, c’est Téhéran qui tient les clés de la survie du régime syrien. Or, tout processus de transition du pouvoir remettrait en cause la mainmise de Téhéran et de ses alliés du Hezbollah sur l’appareil militaro-sécuritaire du régime, ce que Téhéran, à moins de se retrouver dans une position d’extrême faiblesse sur ce dossier, ne peut pas accepter.

Ni Genève III ni Sykes-Picot II ?

La marge de manœuvre des acteurs est donc déjà extrêmement limitée. Mais les perspectives d’apercevoir une sortie de crise sont encore atténuées par trois raisons. Un : les négociations avec le régime sont évidemment nécessaires, mais sur quoi peuvent-elles déboucher ? Il est désormais évident que M. Assad ne négociera pas son départ, quelle que soit sa position de faiblesse, alors comment l’inclure dans les négociations ? Deux : ces négociations doivent prendre en compte la position d’Ankara, plus radicale encore que celle de Riyad concernant l’avenir du président syrien, mais déterminante pour un éventuel règlement du conflit. Trois : si le conflit syrien prend la forme d’une guerre par procuration entre les puissances régionales, les belligérants sur le terrain n’en gardent pas moins leur propre agenda. Accepteront-ils un processus de paix décidé de l’extérieur ? Rien n’est moins sûr. À défaut de trouver un règlement à la crise, c’est la question d’une future partition de la Syrie qui pourrait être le principal objet de discussion entre les négociateurs. Mais là encore, malgré le fait que la partition existe déjà de facto, il sera difficile de s’entendre sur un compromis général. Autrement dit, ni Genève III ni Sykes-Picot II ?

Antony SAMRANI © L’Orient Le Jour (Liban)

Antony Samrani est un journaliste libanais, il est spécialiste en relations internationales.

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