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Liban : une timide avancée pour les domestiques étrangères

.: le 17 avril 2009

Les employées de maison peuvent enfin remettre en cause leur contrat de travail en cas de non-paiement de leur salaire, de violences et d’abus sexuels, ou lorsqu’on leur impose un travail différent de celui pour lequel elles ont été embauchées.

Désormais au Liban, les employées de maison migrantes et leurs employeurs signeront un contrat unifié devant le notaire. Ce contrat, mis en place le 31 janvier 2009 par décision du ministre du Travail, est le fruit des travaux d’un comité directeur regroupant les principaux acteurs concernés par le dossier des domestiques migrantes. Les acteurs sont les ministères du Travail, des Affaires sociales, de la Justice, des Affaires étrangères, la Sûreté générale, Caritas, l’Organisation internationale du travail, le bureau du haut-commissaire pour les Droits de l’homme, le Comité pastoral pour les migrants afro-asiatiques, le syndicat des bureaux de placement, les ambassades, etc. Jetant les bases de la relation entre l’employeur et l’employée de maison, le contrat unifié est considéré comme une véritable avancée au plan de la défense des droits de cette main-d’œuvre étrangère à domicile, car il instaure quelques garde-fous contre son exploitation. Mais ce contrat est loin d’être idéal. Flou par endroits, incomplet en d’autres, il fait malheureusement l’impasse sur certaines pratiques courantes au Liban, comme la confiscation du passeport, l’enfermement ou l’interdiction de sortie de l’employée de maison. Il n’évoque pas non plus de salaire minimum.

Les aspects positifs de ce contrat pour la main-d’œuvre étrangère employée à domicile sont nombreux, fort heureusement. Il oblige ainsi l’employeur à fournir "à son employée un cadre de vie convenable, sûr et sain", ainsi qu’une certaine "intimité". Il insiste aussi sur "le caractère obligatoire des soins d’hospitalisation" assurés par l’employeur à son employée de maison. A ce propos, la directrice du centre des migrants de Caritas, Najla Chahda, dénonce une pratique largement répandue jusque-là, qui consiste pour l’employeur à "assurer son employée de maison auprès d’assureurs fictifs" et donc à ne pas l’hospitaliser en cas de nécessité. Le contrat unifié limite également les heures de travail de l’employée de maison à dix heures par jour, à un rythme normal. Le contrat précise à ce propos que "cet horaire permet à la femme de ménage de ne pas s’épuiser à la tâche et de garder une vigilance d’esprit". Il insiste également sur la nécessité pour l’employée de maison de "bénéficier de nuits de sommeil de huit heures d’affilée".

Par ailleurs, poursuit l’avocat de Caritas, Me Nehmtallah Milan, le contrat unifié donne à l’employée de maison "le droit à une journée complète de repos hebdomadaire ainsi qu’à six jours de congés annuels". L’employée a désormais également le droit de maintenir un contact régulier avec sa famille. "Une fois par mois, son employeur est donc tenu de lui payer une communication téléphonique internationale avec ses proches. Il doit également l’autoriser à recevoir des appels téléphoniques et à entretenir une correspondance par courrier avec sa famille", ajoute-t-il. "En cas de maladie déclarée ou d’accident du travail, et à l’issue d’un rapport établi par un médecin, l’employeur a l’obligation de payer les jours de maladie de son employée de maison", explique aussi Me Milan.

Quant aux aspects négatifs de ce contrat unifié, ils sont eux aussi nombreux, de l’avis de Caritas. Concernant le paiement des salaires, le contrat unifié indique que "le patron doit payer le salaire de son employée sans retard qui ne soit pas justifié. Or rien n’explique ce que signifie un retard justifié", observe Me Milan, déplorant que cet article place l’employée de maison "à la merci de son employeur". Le contrat de travail souligne par ailleurs que "l’employeur peut rompre le contrat de travail si l’employée de maison a commis une erreur, a été négligente, a commis une agression ou a été responsable de dommages". En cas de conflit entre l’employeur et l’employée de maison, cette dernière a la possibilité d’avoir recours au ministère du Travail. "Cette initiative est certes positive", observe Me Milan, "mais le ministère se déclare souvent incompétent dans ce genre d’affaire".

"Il est enfin mentionné que ce contrat doit être rédigé en trois langues – arabe, français et anglais", note Me Milan. "Or", remarque-t-il, "de nombreuses employées de maison migrantes ne parlent aucune de ces trois langues." Et d’affirmer que Caritas avait pourtant proposé que ce contrat, qui ne dépasse pas trois pages, soit rédigé en arabe et traduit dans les langues des employées de maison. "Quel sens cela a-t-il pour des Sri-Lankaises ou des Ethiopiennes de signer des contrats qu’elles ne peuvent pas lire ni comprendre ?" demande-t-il.

Anne-Marie EL-HAGE © L’Orient-Le Jour (Liban)

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