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Analyses

Liban : le Tribunal spécial suscite peur et espoir

.: le 2 mars 2009

Des manœuvres, notamment de la part du Hezbollah, sont déployées pour torpiller le fonctionnement du tribunal qui doit juger les coupables des assassinats commis au Liban ces quatre dernières années, relève le site Elaph.

Le démarrage des travaux du Tribunal spécial pour le Liban [TSL, inauguré le 1er mars à La Haye], chargé de juger les auteurs de l’attentat contre l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, a été accueilli par les Libanais par des prières, des rassemblements et des gerbes de fleurs déposées sur les tombes des victimes de la série d’assassinats politiques qui a frappé le pays depuis 2005. Il y a quatre ans, la décision de créer ce Tribunal avait provoqué une crise politique quasi insurmontable. Aujourd’hui, les résistances contre le fonctionnement de la justice internationale se manifestent à nouveau et les Libanais ont encore une fois peur du lendemain. Plusieurs éléments pourraient mettre le feu aux poudres et déclencher une nouvelle crise.

Il y a tout d’abord les quatre généraux [libanais, accusés d’être impliqués dans l’attentat et emprisonnés au Liban]. Le Tribunal va probablement demander leur transfert à La Haye dans un délai de soixante jours. Cela paraît logique étant donné que la justice libanaise a refusé les demandes de libération et qu’ils relèvent désormais de la compétence de la justice internationale. Or le Hezbollah et certains de ses alliés ont soudainement décidé de lancer une campagne médiatique et politique pour les présenter comme les victimes d’une injustice et pour demander qu’ils soient relâchés, affirmant que toute autre décision relèverait de la soumission aux pressions étrangères et livrerait le Liban aux instances internationales, dont personne ne pourrait être sûr qu’elles échappent à l’influence américaine.

Le deuxième point susceptible de déclencher une crise est le mémorandum sur la coopération entre le gouvernement libanais et le bureau du procureur général du Tribunal, Daniel Bellemare. Il a été transmis au chef du gouvernement par le ministre de la Justice et, lors de la dernière séance du Conseil des ministres, le jeudi 26 février, le ministre du Hezbollah Mohammad Fneich a demandé "davantage de clarifications". Sa demande a reçu le soutien de ses collègues de l’alliance de l’opposition [les forces prosyriennes, présentes dans le gouvernement antisyrien de Fouad Siniora]. Cette expression "davantage de clarifications" rappelle la crise d’il y a quatre ans, quand le Hezbollah et le mouvement Amal [autre formation chiite et prosyrienne] avaient quitté le gouvernement en lui reprochant de ne pas tenir compte de "certaines observations", jamais formulées, sur l’accord donné à la création du Tribunal.

Dans ce mémorandum, les autorités libanaises s’engagent à ce que "le parquet du Tribunal spécial pour le Liban soit libre de toute ingérence lors de ses enquêtes au Liban et qu’il obtienne toute aide nécessaire". Cela comprend : 1) l’accès aussi rapide que possible à tous les documents, informations et éléments de preuve ordinaires dont disposent les autorités libanaises concernant les questions relevant de l’autorité du Tribunal ; 2) la possibilité de collecter toute information et élément de preuve supplémentaire ; 3) la liberté de se déplacer dans l’ensemble du pays ; 4) l’accès à tous les lieux et institutions ; 4) la possibilité de rencontrer et d’interroger les représentants des autorités nationales et locales, ainsi que les représentants des partis politiques et les autorités militaires, les chefs d’associations et d’autres organisations non gouvernementales, toute personne pouvant accéder au bureau du procureur afin de lui apporter des informations avec des garanties pour sa sécurité et la confidentialité.

La majorité [antisyrienne] tente de faire passer ce mémorandum au Conseil des ministres sans vote afin que le Hezbollah et ses alliés ne puissent y opposer leur veto. Personne ne semble d’ailleurs en mesure de fournir une explication convaincante pour le soudain acharnement du Hezbollah contre ce texte. Selon un responsable du parti Courant de l’avenir [de Saad Hariri, le fils de l’ancien Premier ministre assassiné] rencontré lors d’un rassemblement autour de la tombe de Rafic Hariri, "cette attitude du Hezbollah augure mal de l’avenir". On aura remarqué que le quotidien syrien Al-Watan a orchestré des fuites en publiant les quatre noms des juges libanais désignés pour siéger au Tribunal, alors que Beyrouth avait voulu préserver leur anonymat dans un souci de sécurité pour eux et pour leurs familles. Quoi qu’il en soit, les enquêteurs successifs affirment avoir fait toute la lumière sur les assassinats de Hariri et des autres personnalités antisyriennes. De même, le Tribunal semble décidé à ne rien cacher de ces événements. Malgré cela, ou peut-être justement à cause de cela, les Libanais retiennent leur souffle.

Elie Al-Hajj © Elaph

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