ACCUEIL
ORGANISATION
COMMUNIQUES
RAPPORTS
ANALYSES
EVENEMENTS
REACTIONS
CONTACT
 
NEWSLETTER
Analyses

Le Hamas est devenu l’ami-ennemi d’Israël

.: le 21 juin 2015

Sur le site d’information israélien Ynet, l’ancien directeur du Mossad Efraim Halevy analyse les relations entre le mouvement du Hamas et l’Etat d’Israël et comment ces deux meilleurs ennemis ont, d’une certaine manière besoin l’un de l’autre.

Ces derniers temps, de plus en plus d’acteurs sur la scène internationale, étatiques ou non, sont en quête d’un nouveau terme qui caractériserait une situation dans laquelle un acteur peut être à la fois ami et ennemi. D’ailleurs, ils commencent à surnommer ce type d’acteur d’ “ami-ennemi” ou “frenemy” (contraction de friend and enemy) en anglais.

L’ami-ennemi entretient une relation complexe avec son entourage. Il combat un rival, tout en apportant une contribution significative à l’un de ses autres ennemis. Le Hamas, par exemple, est en état de guerre avec Israël, mais sa lutte contre les autres organisations dans la bande de Gaza, qui rejettent son autorité, sert les intérêts sécuritaires d’Israël.

En outre, le Hamas bénéficie de plus de liberté d’action que ce que l’opinion publique internationale accorde à Israël. C’est plus rapide, plus efficace et sans retenue face à l’ennemi commun.

La situation est plus compliquée au nord. Il y a un plus grand nombre d’acteurs non-étatiques, comme le Hezbollah, le Front al-Nosra, Al-Qaïda, l’Etat islamique, ou encore l’Armée syrienne libre (ASL). Chacun d’entre eux inflige des pertes aux ennemis d’Israël. Le conflit actuel affaiblit chacun des acteurs vis-à-vis d’Israël. Il est probable qu’un ami-ennemi se forme aussi parmi les acteurs dans le nord.

Une nouvelle réalité nécessite de nouvelles stratégies et tactiques.

Un changement de stratégie dans le traitement de l’adversaire

Premièrement, savoir faire la différence entre les différents acteurs non-étatiques et traiter chacun d’entre eux de manière spécifique. Le constat selon lequel tous ces terroristes sont homogènes est une généralisation qui n’est plus valable.

Deuxièmement, abandonner l’approche fondamentale qui refuse toute relation diplomatique avec des terroristes. Ce discours empêche Israël d’utiliser des outils vitaux pour étudier l’ennemi et influencer sa façon de penser.

Troisièmement, classer les acteurs en fonction des pertes et profits et récompenser ceux qui contribuent à nos intérêts sécuritaires.

Quatrièmement, la conception d’un style et le contenu d’un discours sérieux et pragmatique avec certains des nouveaux acteurs en fonction de l’intérêt d’Israël.

L’Etat hébreu doit décider de ce qu’il va exiger de tel ou tel groupe et ce qu’il lui donnera en retour.

Des solutions à long terme

Au lieu d’opter pour des mesures calmes en échange de calme, il faudrait initier une politique plus dynamique qui tendrait à modifier une situation basique au profit des deux parties. Et finalement, au lieu de juger l’environnement dans lequel nous vivons, nous devrions faire davantage d’efforts pour nous y insérer.

Par exemple,au fur et à mesure que la circulation de matériaux et de marchandises vers la bande de Gaza augmente, les contact entre Israël et les Gazaouïs sont plus fréquents aux points de passage, de même que par les nouveaux moyens de communication qui brisent toutes les barrières et toutes les frontières. Nous devons nous en servir au maximum plutôt que les restreindre.

Si les derniers pourparlers aboutissent à un accord entre Israël et le Hamas pour un temps limité, il sera nécessaire d’en faire la première étape d’un nouveau chemin. Cette tactique doit mener à une stratégie de dialogue permanent. La force de chaque accord dépendra toujours des relations entre les citoyens israéliens d’un côté de la frontière et des Arabes de l’autre côté.

Une source officielle a affirmé récemment que nous obtenons le calme sans même avoir accordé aux Palestiniens de Gaza un port et un aéroport. Sans rentrer dans le détail de ces deux ambitions, les derniers pourparlers ont prouvé que “le calme en échange du calme” est une formule dépassée. Une telle approche ne peut que garantir une une nouvelle guerre.

Cette rhétorique officielle devrait se poursuivre des deux côtés, mais cela ne devrait pas empêcher les deux camps de trouver la voie pour une formulation moins agressive. Israël et le Hamas vont continuer à se préparer pour le prochain round comme s’il n’existait pas d’autre alternative, et il se peut qu’il n’y en ait pas vraiment.

Mais si le quatrième round éclate à Gaza, comme une prédestinée et sans que d’autres alternatives n’aient été examinées, nous ne serons pas en mesure de prétendre que nous avons été propulsés une fois de plus dans “une guerre inévitable”. Nous ne pourrons pas affirmer cela au monde, et, pis encore, nous ne pourrons plus regarder les citoyens israéliens dans les yeux et leur tenir ce discours.

Efraim HALEVY © Ynet (Israël)

Efraim Halevy est un ancien directeur du Mossad.

Anglais Français Arabe Persan Turc Hébreu Kurde