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Analyses

La stratégie régionale et internationale du Hezbollah aujourd’hui

.: le 9 août 2016

Dans cet article, Matthieu Saab analyse la mutation du Hezbollah depuis le début du conflit civil en Syrie, ainsi que ses nouvelles stratégies régionale puis internationale soutenues par l’Iran.

Le Hezbollah et l’Arabie saoudite

Dans un entretien publié par le journal al-Akhbar en octobre 2015, une publication proche du mouvement chiite, Hassan Nassrallah s’en prend à l’Arabie saoudite l’accusant de collaborer et de financer l’Etat islamique et al-Qaïda. Nassrallah accuse l’Arabie saoudite de protéger les intérêts américains dans la région, d’être un allié objectif de l’Etat hébreu et d’avoir œuvré avec l’aide des Américains et des Israéliens après la guerre de 2006 afin de renverser le régime syrien. "Le danger wahhabite est une menace pour toute la région" ajoute le dirigeant chiite. Dans ces conditions, le Parti de Dieu, qui s’est imposé sur le champ de bataille libanais dans la lutte contre l’Etat d’Israël, a maintenant des objectifs beaucoup plus ambitieux, à savoir, la défense de la communauté musulmane contre des organisations sunnites extrémistes.

La puissance du Hezbollah gêne les partis sunnites au Liban et dans l’Orient arabe. C’est pour cette raison que l’Arabie saoudite a gelé le 19 février 2016 sa décision d’accorder au Liban 4 milliards de dollars prévus afin de renforcer l’armée libanaise. Le régime wahhabite a également procédé au gel des comptes de ressortissants libanais sympathisants du Hezbollah, en Arabie saoudite, et a déconseillé à ses ressortissants de se rendre au Liban. Cette situation intervient alors que la baisse du prix du pétrole handicape l’Arabie saoudite qui finance la guerre du Yémen à hauteur de 1 milliard de dollars par mois et dont le déficit budgétaire atteint les 100 milliards de dollars.

En attendant, il est probable qu’aucune solution ne pourra être trouvée à la crise politique du Liban car les parties en conflit localement attendent une solution qui viendrait de leurs parrains régionaux, à savoir l’Arabie saoudite et l’Iran. Dans ce contexte, on ne voit pas à court terme l’issue de ce conflit.

Le "Parti de Dieu" et Israël

Dix ans après le conflit de 2006, la milice chiite du Hezbollah est à la croisée des chemins. Jamais, depuis son intervention militaire aux côtés de l’Etat syrien, le parti chiite n’a été aussi puissant militairement. Cependant, le Parti de Dieu est isolé politiquement et son rôle dans le cadre d’un accord sur la Syrie n’est toujours pas clair. La seconde guerre israélienne au Liban en 2006 s’est conclue, d’après Hassan Nassrallah par une "victoire divine" et a été suivie d’un cessez-le-feu sur le front israélo-libanais qui dure depuis plus de 10 ans.

En effet, le Hezbollah a singulièrement renforcé son arsenal militaire au sud-Liban. Ses troupes sont constituées de 45,000 soldats qui ont renforcé militairement tous les villages libanais du sud. Au Sud-Liban, le Hezbollah dispose de plus de 100,000 missiles et obus (il n’en avait que 12,000 en 2006). Il a fortifié ses positions grâce à l’apport de drones, de missiles anti-aériens, de missiles terre-mer, d’armes anti-char et grâce a l’amélioration de ses capacités dans le domaine du renseignement. De plus, les combats en Syrie ont permis au Hezbollah d’améliorer ses capacités militaires, ce qui lui permettrait en cas de nouveau conflit avec l’Etat hébreu de s’attaquer simultanément à plusieurs villages israéliens et à des positions militaires israéliennes dès le déclenchement du conflit.

Ce danger est pris au sérieux par l’Etat hébreu qui doit protéger sa population installée au nord d’Israël et ses infrastructures militaires et économiques dans cette région. Et cela, d’autant plus, que Hassan Nassrallah a précisé qu’en cas de nouveau conflit avec l’Etat hébreu, il n’y aura pas de "lignes rouges". Le danger pour Israël peut se présenter sous la forme d’une attaque terrestre ou d’une pluie de missiles tirés à partir du Sud-Liban. Israël devrait également protéger ses installations pétrolières en méditerranée contre toute sorte d’attaque du Hezbollah.

Or, l’amélioration spectaculaire du potentiel militaire israélien, surtout depuis l’apparition des missiles et des obus anti-aériens des systèmes "Iron Dome" et " Magic Wand", permettrait à Israël de protéger ses intérêts militaires et économiques en cas de conflit. Cependant, Israël ne pourra pas neutraliser l’ensemble du système de défense du Hezbollah. Dans ces conditions, il est probable que, afin de s’assurer de la victoire, Israël devrait lancer une attaque aérienne et terrestre préventive, afin d’annihiler tout le potentiel du Parti de Dieu.

Le Hezbollah et les Etats-Unis

En ce qui concerne ses relations avec les Américains, le Hezbollah évite une confrontation directe. Cependant, depuis le retrait américain du Liban, le Hezbollah a toujours appuyé et soutenu les opérations iraniennes anti-américaines. On l’a vu dans l’attaque des tours de Khobar en 1996 qui s’est soldée par 19 morts du côté américain. Lorsque les troupes américaines se battaient contre les milices chiites en Irak après l’invasion de 2003, le Hezbollah aidait ces milices. Le Parti de Dieu a également aidé l’Iran afin de localiser des cibles américaines à travers le monde pour des opérations terroristes. L’hypothèse d’un conflit direct entre le Hezbollah et les Américains ne peut pas être écarté ; de plus, un conflit peut intervenir en cas de volonté américaine de renverser le régime de Assad en Syrie.

Les Etats-Unis font face à un dilemme en Syrie et au Liban : Washington ne veut pas que l’influence nationale et régionale du Hezbollah augmente. Cependant, le Hezbollah constitue un ennemi crédible de l’Etat islamique au moment où les Etats-Unis veulent, en même temps, s’opposer à ce groupe islamiste radical et consolider le cessez-le-feu au Liban. En attendant, le Hezbollah soutient des troupes chiites en Irak dans leur combat contre l’Etat islamique.

Le "Parti de dieu", l’Iran, l’Europe et la Chine

Suite à l’accord sur le nucléaire de juillet 2015, l’Iran souhaite améliorer ses relations avec l’Europe et la Chine, moins hostiles aux Iraniens que les Américains. La visite du Président chinois en Iran le 23 janvier 2016 et la tournée européenne (notamment en Italie et en France) du Président Hassan Rouhani sont les premiers signes de cette nouvelle politique. Contrairement à Washington, la Chine ne considère pas que le Hezbollah est un mouvement terroriste, ce qui lui permet de tisser des liens avec le parti libanais. L’Union Européenne considère que l’« aile militaire du Hezbollah est une organisation terroriste » avec qui les relations sont rompues alors que celles-ci sont maintenues avec l’"aile politique du mouvement". Pour les Iraniens, toute puissance étatique autre que les Etats-Unis peut jouer un rôle important dans la région, surtout si elle n’a pas de passé colonial et si elle est capable d’affaiblir la position américaine. Cette stratégie bénéficierait automatiquement au Hezbollah.

Quant à la Chine, elle est considérée comme un allié de taille par les Iraniens. De plus, pour Pékin, le "Hezbollah s’oppose au terrorisme chinois en Syrie". En effet, des éléments uigurs (musulmans chinois) sont présents en Syrie où ils s’opposent au Hezbollah. Conséquences de la décision de la Ligue arabe et du Conseil de Coopération du Golfe d’intégrer le Hezbollah dans la liste des mouvements terroristes en mars 2016

En mars 2016, la décision prise par la Ligue arabe et par le Conseil de Coopération du Golfe de classer le Hezbollah dans la catégorie des mouvements terroristes ne doit pas faire oublier que le recours au terrorisme par le mouvement chiite libanais était plus systématique dans les années 1980, lorsqu’il a lancé une attaque suicide contre l’ambassade américaine à Beyrouth, puis lorsqu’il a détruit les locaux où se trouvaient les troupes américaines et françaises en octobre 1983.

Durant cette période, le Hezbollah s’est allié à l’Iran afin de s’attaquer à des objectifs militaires dans les pays du Golfe qui avaient pris fait et cause pour l’Irak dans son conflit contre l’Iran. Depuis ce moment-là, le Hezbollah s’est toujours impliqué dans des opérations terroristes souvent en coordination avec l’Iran. Le Hezbollah est un commanditaire régional des opérations menées contre l’Etat hébreu, appelle à sa destruction et soutient des militants palestiniens en leur fournissant armes, formation et conseils. Cependant, plusieurs groupes palestiniens, notamment le Hamas, s’opposent à la politique du Hezbollah et à celle de son parrain régional, l’Iran. Malgré cette opposition, le Hamas et le Hezbollah sont obligés de garder de bonnes relations car ils ont tous les deux peu d’alliés dans leur lutte contre l’Etat hébreu. Dans ces conditions, la décision prise en mars 2016 ne reflète pas un changement dans la politique du Hezbollah mais représente une tentative tardive des alliés américains dans le Golfe de délégitimer le Parti de Dieu et son allié iranien.

Suite à la décision du Conseil de Coopération du Golfe et de la Ligue arabe, le gouvernement libanais se trouve dans une position très délicate. En effet, deux ministres du Hezbollah font partie du gouvernement et six autres appartiennent à son bloc politique. Ainsi, le ministre de la Justice libanais Ashraf Rifi a demandé au Premier ministre de démissionner et de dissoudre le gouvernement afin de mettre fin à la "fiction juridique" qui permet au Hezbollah d’avoir une couverture légale. Or, en l’absence d’un chef de l’Etat et d’un Parlement légitime, le Premier ministre ne peut pas dissoudre le gouvernement ; dans le même temps, il doit collaborer avec les Etats du Golfe suite à leur décision de mars 2016. Dans ce contexte, on se demande comment le Mouvement du Futur (principale composante des forces du 14 mars) allié des pays du Golfe, pourrait continuer à justifier le dialogue avec le Hezbollah afin de limiter les conséquences du divorce sectaire entre sunnites et chiites ?

Les pressions financières exercées par le gouvernement américain depuis le vote de la loi du 18 décembre 2015 (par la Chambre des Représentants et par le Sénat) prévue "pour accroître les sanctions financières contre le Hezbollah" ont gêné le système bancaire libanais. En effet, la Banque Centrale du Liban a décidé de mettre en œuvre les sanctions américaines à défaut de quoi tout le système financier libanais aurait été déstabilisé. Dès lors, plus de 100 comptes appartenant à des affiliés du Hezbollah ont été clôturés. D’après le journal al-Shark-al-Awsat, les parlementaires du Parti ont reçu leur salaire en billets de Banque afin d’éviter les nouvelles restrictions. Les sanctions financières ont mis mal à l’aise la communauté économique libanaise qui craint que le soutien, même timide, qu’elle apporte au Hezbollah ait un effet dommageable sur ses affaires en Chine, au Nigeria ou en Amérique latine. D’autant plus qu’il apparaît que ces sanctions ne risquent pas d’être rapidement supprimées. La surveillance du réseau financier du parti chiite, à laquelle il faut ajouter les sanctions prises par les pays du Golfe, va isoler le parti, sans pour autant le conduire à la faillite.

Or, malgré l’opposition de notables chiites et du Parti Communiste libanais, le Hezbollah est toujours appuyé par sa base au Liban et cela malgré l’assassinat du commandant chiite Mustapha Badreddine en Syrie. Badreddine est l’un des cinq suspects accusés par le Tribunal Spécial pour le Liban d’être impliqués dans l’assassinat de Rafic Hariri en 2005. D’autres responsables du Hezbollah parmi lesquels Jihad Moughnieh et Samir Qantar ont été tués en Syrie. Ces victimes ne remettent pas en cause l’engagement stratégique du parti chiite.

Le Hezbollah en Syrie : forces et faiblesses

Le Hezbollah est un mouvement local qui est appuyé par son allié stratégique régional, l’Iran. Son implication en Syrie a été motivée par "des objectifs stratégiques de nature confessionnelle". Dès lors, les forces et les faiblesses du Hezbollah en Syrie doivent être mesurées dans le contexte de l’axe stratégique auquel il appartient.

Forces du Hezbollah

• La présence des troupes iraniennes en Syrie, particulièrement dans leur combat contre les "terroristes", les "takfiristes" et les "djihadistes" qui représentent l’opposition syrienne à Bachar al-Assad (sans tenir compte de leur affiliation idéologique) représente un soutien indéfectible aux troupes du Hezbollah.

• La mise en place par le Hezbollah d’un corridor stratégique permettant de relier le territoire libanais au territoire iranien en passant par la Syrie et l’Irak lui permettrait de s’enraciner dans la région et de s’opposer à toute tentative de limiter son pouvoir.

• Le Hezbollah continuera à défendre les frontières libanaises contre Israël et contre des groupes syriens "terroristes". Dans son combat contre ces derniers, le Hezbollah a acquis une reconnaissance et une légitimité internationales (notamment de la part des Américains). Deux facteurs ont permis au Hezbollah d’atteindre cet objectif : premièrement, la protection du Liban qui est considéré par la communauté internationale comme le dernier refuge des chrétiens et des autres minorités au Levant ; deuxièmement, l’émergence de l’Etat islamique et de al-Nousra aux frontières du Liban a conduit la communauté internationale à cautionner la protection par le Hezbollah des frontières libanaises.

• L’implantation du Hezbollah en Syrie peut le renforcer dans le cadre de l’évolution constitutionnelle et politique du Liban. Ainsi, s’il est acquis que le Hezbollah va continuer à s’opposer aux "groupes sunnites extrémistes", son rôle au sein des institutions libanaises pourrait se renforcer dans le cadre d’une modification des accords de Taëf afin que la nouvelle structure du pouvoir au Liban soit basée sur les trois axes suivants : les musulmans sunnites, les musulmans chiites et les chrétiens.

Faiblesses du Hezbollah

• Le Hezbollah a déjà perdu plus de 1,400 combattants en Syrie. Ce chiffre est supérieur au nombre de chiites morts au Sud-Liban durant les trois décennies de combat contre Israël (1,361 morts). Les pertes du Hezbollah pourraient continuer à augmenter étant donné que sa présence en Syrie est prévue sur le long terme. Or le Parti de Dieu a un nombre limité de combattants. Cependant, il veut protéger ses intérêts stratégiques en Syrie, mais si ses pertes humaines sont très élevées, il devra limiter son intervention militaire.

• Le Hezbollah n’a pas d’alliés au sein de la population syrienne qui considère le Parti de Dieu comme un mouvement étranger. Il représente un parti religieux dont le pouvoir est basé sur la tutelle exercée par un juriste-théologien iranien (velayat e-faqih). Ce pouvoir a un nombre de partisans limité en Syrie, d’autant plus que la grande majorité de la population est d’obédience sunnite.

• Le Hezbollah n’a aucune garantie d’obtenir des avantages sur le terrain libanais ou régional suite à son engagement dans la guerre en Syrie. Le Liban est un Etat fragile qui n’a pas encore surmonté toutes les conséquences de la guerre civile (1975-1990). Une autre irruption de violence dans ce pays pourrait remettre en cause la suprématie du Hezbollah. En fait, toute la région manque de stabilité et un conflit avec Israël ou un conflit entre sunnites et chiites empêcherait le Hezbollah de récolter les fruits de son engagement en Syrie.

• Le Parti de Dieu a perdu sa légitimité populaire en tant que Mouvement de Résistance Nationale dans le monde arabe et islamique. Cette légitimité, il l’avait acquise à l’origine en s’alliant avec les Palestiniens contre la milice chiite Amal durant la "guerre des camps" des années 1985-1988 à Beyrouth. Le Hezbollah l’a fait au nom de l’"Unité Islamique" et au nom du "Mouvement Islamique". Par la suite, le Parti de Dieu évita les conflits libanais sectaires ainsi que les pièges de la corruption. Il libéra le Sud-Liban dans le cadre d’un partenariat libanais sans exiger une contrepartie ou des privilèges, mis à part la conservation de son potentiel militaire qui est un impératif stratégique. Or, cette image positive véhiculée par le Hezbollah va être détruite suite à l’engagement du Parti de Dieu dans le conflit en Syrie et en Irak en 2013. Il y est intervenu en tant que groupe sectaire chiite dans un environnement arabe sunnite. Le Hezbollah et son allié iranien veulent remodeler la région afin de permettre à la minorité Alawite (mouvance du chiisme) du Président Assad d’obtenir une autonomie qui serait renforcée par la présence de villes et de villages chiites du côté libanais de la frontière. Cette stratégie nécessite un déplacement de populations auquel le Hezbollah a déjà activement participé. Il a, dans ces conditions, perdu l’appui des populations majoritairement sunnites en Syrie et ailleurs dans le monde arabe.

• Le glissement de la stratégie du Hezbollah le conduit à redéfinir la communauté chiite en tant que "minorité" au Liban au lieu de faire partie d’une force qui représenterait la "majorité mahométane". La communauté internationale a planifié de doter la région d’une structure confessionnelle afin de mettre en place "des minorités ayant des prérogatives régionales" au lieu de permettre la "tyrannie de la majorité". Dans ces conditions, le Hezbollah peut s’ériger en protecteur des chiites de la région dont il sera responsable de la sécurité face à une majorité sunnite. Son rôle sera similaire à celui du Parti Phalangiste et des Forces Libanaises qui s’étaient accaparés la représentation de la population chrétienne du Liban au sein du "Machrek chrétien" avec la reconnaissance officielle de l’Occident.

• Enfin, même une victoire partielle en Syrie qui imposerait au Hezbollah et à son allié iranien des pertes humaines conséquentes ne serait pas tolérée par le Parti de Dieu. Sur le plan stratégique, le Parti est entré en guerre contre la majorité sunnite au Liban avec des slogans sectaires ce qui a conduit à la perte de son label de Mouvement de Résistance Nationale. Or, la puissance du Hezbollah que l’on peut constater dans le fonctionnement des institutions libanaises peut être remise en cause car, dans un environnement local, le Hezbollah est en confrontation constante avec la majorité sunnite, un poids conséquent que le mouvement chiite n’est pas sûr de pouvoir surmonter à long terme.

Conclusion

Le Hezbollah n’est plus uniquement un parti islamo-nationaliste dont l’objectif est de s’opposer à Israël. Il est devenu un allié stratégique de son parrain iranien et du Président syrien Bachar al-Assad dans leur lutte contre le fondamentalisme sunnite de l’Etat islamique. Dans ce contexte, il est remarquable de constater que le Parti de Dieu a consolidé, depuis 2013, son pouvoir au Liban où il détient de facto un droit de veto concernant toute décision stratégique politique ou économique dans ce pays. Cependant, il aura de plus en plus de mal à justifier les pertes humaines subies en Syrie d’autant plus que, comme nous l’avons indiqué, celles-ci sont déjà supérieures à celles occasionnées par les trois décennies de conflit avec l’Etat israélien. Ces pertes risquent de ne plus être justifiées aux yeux de la population chiite libanaise. Or, l’engagement syrien du Hezbollah est irrévocable et semble s’imposer sur le long terme. En effet, la structure constitutionnelle et institutionnelle du régime iranien basée sur la velayat e-faqih a imposé un rôle régional au Hezbollah auquel il ne peut plus se soustraire. La coordination stratégique, militaire et économique entre le Parti de Dieu et les forces iraniennes atteint un niveau qui empêche toute autonomie de décision libanaise. Les sanctions américaines prises par le Président Obama (loi du 18 décembre 2015) pourraient affaiblir le Hezbollah mais en aucun cas le mener à la faillite.

A l’image d’autres collaborations passées entre un parti libanais et son parrain régional, le Hezbollah ne peut se défaire de ses responsabilités régionales à l’égard de l’Iran au risque de perdre tout son pouvoir. Le Liban a l’habitude de dépendre d’alliés régionaux et il pourra s’en accommoder mais le prix à payer (incapacité à sauvegarder la souveraineté nationale libanaise, impossibilité de mettre en place une Constitution libre de toute tutelle étrangère,…) serait très élevé.

Matthieu SAAB © Les clés du Moyen-Orient (France)

Matthieu Saab est écrivain et spécialiste du Moyen-Orient.

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