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Analyses

La fragilité de la démocratie dans le monde arabe

.: le 12 juin 2014

Dans cet article, publié sur le site I24news, Yakub HALABI analyse les différentes démocraties au Moyen-Orient.

La rapidité et la facilité avec lesquelles la ville de Mossoul (nord de l’Irak) est tombée sous le contrôle de "l’Etat islamique d’Irak et de Syrie" (EIIS) démontrent non seulement la faiblesse du gouvernement irakien sous le règne du Premier ministre Nouri al- Maliki, mais aussi la fragilité de la démocratie dans le monde arabe.

De nombreuses questions devraient être abordées par les services de renseignement irakiens sur l’EIIS : qui finance ? Comment une organisation terroriste fondamentaliste extrémiste, issue d’Al-Qaïda, a été en mesure de prendre le contrôle de certaines parties de l’Irak, y compris des villes de Falloujah et Ramadi ainsi que certaines parties du nord-est de la Syrie ? Comment, après trois élections démocratiques au cours de la dernière décennie, l’Irak est-il de retour à la case départ, au même point qu’après l’invasion américaine de 2003 ?

L’EIIS s’est renforcée dans l’ombre de la guerre civile en Syrie et son chef de file, Abu Bakr Al-Baghdadi, a décidé de transposer le conflit vers son état d’origine, l’Irak, se servant de la faiblesse du gouvernement chiite dans les provinces sunnites. Il semble que le régime de Bachar al-Assad a évité les affrontements avec l’EIIS tant l’organisation combattait ses ennemis : l’Armée syrienne libre et Jubhat al-Nosra dans le nord de la Syrie.

Ce à quoi nous assistons aujourd’hui est la répercussion du conflit syrien dans les pays voisins. L’instabilité de l’après-Saddam en Irak est également due au fait que l’armée irakienne est restée faible face à la guerre sectaire et résulte du vide sécuritaire comblé par les mouvements extrémistes tels que l’EIIS. Au sein du système politique complexe de l’Irak, le Premier ministre al-Maliki a été incapable de répondre aux demandes des communautés sunnites et kurdes et a été contraint de compter sur le soutien de blocs chiites au sein du parlement irakien.

Ces jours-ci l’Irak ressemble de plus en plus au Liban des années 1970. Tout comme au pays du Cèdre, il existe un accord tacite précisant que le Premier ministre doit être chiite, le président kurde et le président du Parlement sunnite. La faiblesse de l’État irakien et la fragilité de la démocratie ne sont pas exclusivement le produit de l’Irak lui-même, mais il semble y avoir une tendance commune à la plupart des démocraties arabes qui refusent de reconnaître la légitimité des élus et laissent les milices organisées continuer à fonctionner en dehors de la loi de l’Etat. Au Liban, en Algérie, dans l’Autorité palestinienne, au Yémen et en Egypte, des élections démocratiques ont conduit à des luttes intestines et, dans certains cas, à la guerre civile et au chaos.

La démocratie est plus stable dans les démocraties arabes disposant d’une armée forte et d’une société homogène, comme l’Egypte ou la Tunisie. Lors des dernières élections démocratiques en Algérie et en Egypte, le rôle de l’armée a clairement déterminer le choix du président. L’armée dans les deux cas a promis de prendre toutes les mesures nécessaires contre les militants islamistes qui refusent d’accepter la légitimité du président élu.

Il semble que le monde arabe suive les traces de la Turquie, où les militaires ont tenté de s’emparer du pouvoir afin de protéger la laïcité en empêchant les groupes islamistes d’utiliser les élections comme un tremplin, jusqu’au début des années 1990. Ironie du sort, ce qui a permis au parti islamique turc (Parti de la justice et du développement) de remporter les élections législatives de 2002 a été la campagne pour adhérer à l’Union européenne. Les kémalistes ont compris que pour le bien de cette adhésion, l’intérêt national exige que la démocratie soit plus importante que la laïcité, et ont donc décidé de transférer le pouvoir en douceur à l’AKP.

La chute de Mossoul sous le règne de l’EIIS ne signifie pas l’échec personnel du Premier ministre Al-Maliki. L’échec de la démocratie en Irak ainsi qu’au Liban et en Cisjordanie est due à la réticence de la minorité (si cette minorité se trouve être une secte) à jouer selon les règles démocratiques de la majorité.

Afin de faire face aux défis posés par des organisations telles que l’EIIS, le monde arabe a besoin d’un militaire fort prêt à protéger la société dans son ensemble ainsi que la démocratie. Deuxièmement, l’Occident doit comprendre que son échec à contenir la crise syrienn, aura des épercussions dans les pays voisins, comme ce à quoi nous assistons en Irak, au Liban et même en Jordanie. Enfin, l’intégration avec le monde extérieur peut renforcer la démocratie sur le long terme, comme en Turquie.

Yakub HALABI © I24news (Israël)

L’auteur est un citoyen arabe israélien et professeur adjoint de relations internationales à l’Université Concordia à Montréal, Canada.

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