La crise en Irak, une aubaine pour les relations israélo-iraniennes.: le 22 juin 2014
Dans cet article, paru sur le site I24 News, Yossi Melman analyse un possible rapprochement de l’Iran avec les Etats-Unis et Israël afin de contrer un ennemis commun, l’Etat Islamique.
La désintégration de l’Irak déclenchée par l’effondrement incroyable de son armée devant des milliers de sunnites djihadistes insurgés a rapproché les Etats-Unis et l’Iran. Ce tremblement de terre irakien qui envoie des ondes de choc partout au Moyen-Orient et au-delà nécessite qu’une nouvelle pensée sorte de la boîte. Le chaos irakien constitue une grave menace à la stabilité déjà fragile de l’une des régions les plus importantes du monde, mais il fournit également une occasion unique de créer de nouvelles alliances basées sur des intérêts communs.
Pourtant, malgré les demandes du Premier ministre irakien Nouri al Maliki, le président américain Barack Osama hésite encore à utiliser ou non des frappes aériennes pour arrêter l’avancée des insurgés. Cela pourrait être nécessaire non seulement pour sauver Bagdad, mais aussi pour laisser en dehors les Iraniens - car ils pourraient bien monter sur un cheval blanc tels les héros qui sauvent la capitale irakienne et ainsi créer une entité chiite pro-iranienne dans le sud du pays.
Mais cela ne doit pas être un jeu à somme nulle. Les États-Unis et l’Iran veulent chacun empêcher les insurgés de l’EIIL d’accomplir leur but, celui de créer un califat musulman - et donc de subir une défaite humiliante.
Les Iraniens craignent qu’une victoire de l’EIIL puisse sceller le sort de leur proche allié en Syrie, le président Bachar al-Assad. Les musulmans sunnites de l’EIIL, inspirés par Al-Qaïda, sont parmi les groupes rebelles les plus puissants en Syrie. Et, bien sûr, les leaders iraniens espèrent solidifier leur influence sur le gouvernement à majorité chiite d’al-Maliki.
Les États-Unis ne voudraient pas voir huit ans de guerre, quatre mille vies américaines perdues, et plus de 700 milliards de dollars dépensés en Irak être exposés à un gaspillage complet. Le prestige de l’Amérique déjà miné par les échecs de la politique étrangère de son administration souffrira gravement si les nouvelles forces armées irakiennes créées et formées par les États-Unis subissent le même sort que l’armée du Vietnam du Sud, lorsque l’Amérique a été chassé de ce pays en 1975.
C’est peut-être seulement un rêve, mais comme les fonctionnaires des gouvernements américain et iranien s’entretiennent plus qu’ils ne l’avaient jamais fait depuis la révolution islamique iranienne de 1979, l’avenir de l’Irak, de la Syrie, et d’autres facteurs du Moyen-Orient doivent être discutés avec un nouveau penchant vers la coopération - et non la confrontation.
Ce serait, bien sûr, en plus de la question controversée et volatile du programme nucléaire de l’Iran qui peut et doit être traitée comme une partie de la nouvelle réalité stratégique émergente. Ce week-end une autre ronde de négociations entre les grandes puissances (5 +1) et l’Iran a fini à Vienne sans accord. Mais la négociation reprendra la semaine prochaine avec l’espoir que, malgré les grandes difficultés, une entente à long terme sera atteinte pour freiner le programme nucléaire de l’Iran et, en retour, lever les sanctions internationales. Jusqu’à présent, Israël regarde nerveusement les efforts entre Washington et l’Iran pour se rapprocher et coopérer sur la question irakienne et parvenir à un accord sur le front nucléaire. Mais Israël doit-il vraiment être hostile à ces retournements diplomatiques ? Pas nécessairement.
Israël a aussi de bonnes raisons de se tenir en dehors de la nouvelle collaboration entre l’Amérique et l’Iran. Les trois pays devraient vouloir supprimer le type de sunnisme extrémiste d’Al Qaïda. Cette réalité peut nous ramener dans le passé. Dans les années 60 et 70 les trois pays étaient des alliés solides et créaient un axe de contrôle du Moyen-Orient.
Malheureusement, lorsque ces dernières années, il y a eu des contacts (dans des conférences internationales universitaires et d’autres participations de hauts fonctionnaires des deux pays) entre les Israéliens et les Iraniens allant vers la compréhension des préoccupations principales de chaque côté, un mur d’hostilité officiel semblait impénétrable. Les Israéliens qui étaient récemment les représentants du gouvernement ont trouvé que les Iraniens ne pouvaient même pas envisager l’idée de réduire ou d’éliminer la mentalité et les slogans de "Mort à Israël" de leur régime révolutionnaire.
Les dirigeants politiques et militaires israéliens, à leur tour, n’ont pas été en mesure de se persuader qu’il était nécessaire de se détourner de l’idée que l’Iran est le plus grand ennemi de l’Etat juif. Après tout, c’est le Premier ministre Benyamin Netanyahou lui-même qui maintes et maintes fois a affirmé que l’Iran et son programme nucléaire sont une menace à l’existence même d’Israël. Pourtant, nous ne devons pas oublier les intérêts communs et l’alliance informelle qui a existé avec le Shah d’Iran, avant qu’il ne soit renversé il y a 35 ans, de sorte que certains croient encore à l’idée que la lutte contre les extrémistes sunnites pourrait recréer cette alliance, au moins en secret. Les dirigeants israéliens doivent être réalistes et faire tout ce qui est en leur pouvoir pour saisir la fenêtre d’opportunité de la nouvelle réalité émergente géostratégique régionale plutôt que de s’asseoir l’air terne, ne rien faire et continuer à sanctionner le statu quo.
Yossi MELMAN © I24 News (Israël)
Melman est un commentateur de la sécurité et du renseignement israéliens et le co-auteur de "Espions contre Armageddon : à l’intérieur des guerres secrètes d’Israël."