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Analyses

La Syrie et l’Irak devraient être répartis en petits Etats homogènes

.: le 30 juin 2014

Dans cet article paru dans le quotidien israélien Maariv, le professeur Yakub Halabi prône une remise en question des frontières de Sykes-Picot, à la lumière des derniers développements des crises politico-sécuritaires que vivent la Syrie et l’Irak.

Emmanuel Navon dans son article "En Irak, les États-Unis doivent choisir entre islamisme et légalisme" exhorte Washington à "insister sur le strict respect des frontières", sans quoi les territoires sunnites en Irak et la Syrie tomberaient sous le contrôle de l’EIIL, et l’Irak, dans son ensemble, serait soumis à l’influence croissante de l’Iran. Cependant, l’objectif principal de chaque État est de protéger ses citoyens contre toute menace, qu’elle soit interne ou externe. Cependant, la transition démocratique au Moyen-Orient n’a fait jusqu’ici qu’engendrer la violence et déclencher des guerres civiles.

Ce résultat a prévalu davantage dans les États multiconfessionnels, comme au Liban et récemment en Irak que dans les pays religieusement homogènes, comme l’Égypte ou la Tunisie. Au Liban, en dépit de plus de soixante-dix ans de démocratisation et une guerre civile sanglante qui a duré quatorze ans, l’incapacité chronique à élire un nouveau président qui doit succéder à Michel Suleiman est le résultat direct de la rivalité qui règne entre les minorités. Les forces chiites du 8 mars et le camp sunnite du 14 mars, soutiennent respectivement un candidat maronite différent, dressant ainsi ces candidats les uns contre les autres.

La stabilité au Moyen-Orient avant la révolution iranienne reposait sur la stabilité régionale, au moment où les États-Unis pensaient que la principale menace pour les régimes pro-américains, en particulier les pays exportateurs de pétrole du Golfe, viendrait uniquement de l’extérieur. Les Américains avaient de ce fait la conviction que les régimes alliés pouvaient faire face à toute agitation interne. Après la révolution iranienne, les États-Unis ont changé de fusil d’épaule et ont commencé à chercher différentes stratégies pacifiques à long terme pour maintenir la stabilité à l’intérieur de chacun des pays alliés, après avoir compris que la révolution islamique pouvait s’exporter dans les autres États de la région.

Malheureusement ou pas, pour l’administration Obama, les États-Unis ne peuvent se permettre de trop s’investir militairement et financièrement pour stabiliser les petits États périphériques. Pour Washington, si l’Irak n’a pu se stabiliser après plus de dix années d’efforts et de médiation américaine, s’engager à nouveau dans le bourbier irakien ne résoudra pas le problème. Les États-Unis réduisent leur engagement dans la région. Rien n’indique sous quelle condition Washington serait prêt à recourir à la force, et personne ne sait si les futures administrations américaines oeuvreront sur la même ligne politique qu’Obama. Cela ne signifie pourtant pas que les États-Unis s’enfoncent dans l’isolationnisme. Washington ne peut simplement pas continuer à supporter les coûts d’une intervention militaire, compte tenu de ses contraintes budgétaires.

Étant donné l’échec du processus démocratique au Liban, nous n’avons aucune raison de penser que celui qui se déroule en Irak s’en sortira mieux (et encore moins en Syrie). Du fait de la menace croissante des forces de l’EIIL et de la "chiisation" de l’armée et du régime irakien sous l’actuel Premier ministre Nouri al-Maliki, il est clair que des élections démocratiques et libres ne parviendront pas à consolider les institutions étatiques et n’accorderont pas de légitimité au régime. De même, une seconde intervention américaine en Irak ne ferait que rajouter de l’huile sur le feu. En effet, les sunnites ne sauraient considérer les troupes américaines comme des sauveurs, mais comme des occupants qui veulent que l’Irak reste chiite. Dans ces conditions, la meilleure solution pour l’Irak et la Syrie serait de reconsidérer l’accord Sykes-Picot.

L’ONU devrait soumettre un vote aux principales minorités en Irak et en Syrie (les Sunnites et les Kurdes en Irak, les Sunnites, les Alaouites, les Kurdes, les Chrétiens et les Druzes en Syrie). Celles-ci devraient dire si elles sont favorables à l’établissent d’un nouvel État qui serait sous leur responsabilité, ou si elles préfèrent maintenir le statu quo. À cet égard, l’opposition syrienne devrait abandonner l’idée futile de négocier avec le régime de Bachar el-Assad, et devrait commencer à discuter de la sécession de certaines provinces en vue créer de nouveaux États souverains, religieusement homogènes sur les ruines de la vieille Syrie. Au Moyen-Orient, l’expérience a montré que seules les nations homogènes ont réussi à éviter une guerre civile après une transition démocratique.

Yakub HALABI © Maariv (Israël)

L’auteur est un citoyen arabe israélien et professeur des relations internationales à l’Université Concordia à Montréal, Canada.

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