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Analyses

L’Iran a laissé l’Occident s’enthousiasmer d’une fatwa imaginaire

.: le 4 juillet 2012

La reprise des négoctaions avec l’Iran s’est basée sur une fatwa du Guide suprême iranien Ali Khamenei, stipulant que la production, l’accumulation et l’utilisation d’armes nucléaires est interdite dans l’islam. Or, il s’avère en réalité que cette fatwa n’a jamais existé.

La reprise des négociations avec l’Iran s’est basée, en mai 2012, sur une fatwa imaginaire du Guide Ali Khamenei.

Lors de la visite de l’ancien premier ministre français Michel Rocard à Téhéran, les dirigeants iraniens se seraient dits prêts à "remettre les compteurs à zéro" pour parvenir à une solution. Cette nouvelle fut présentée comme un geste de bonne volonté de la part de l’Iran. Mais l’Occident souhaite-il vraiment remettre les compteurs à zéro ?

Une visite privée pour la France, mais ultra-officielle pour l’Iran

La visite de Michel Rocard, qui ne relevait "pas du nouveau président de la République", a toutefois été traitée par l’Iran comme une visite officielle du plus haut niveau, représentative d’une nouvelle volonté politique française. Et pour cause : c’est à Saïd Jalili que Rocard a rendu visite. Et Saïd Jalili, principal négociateur iranien sur la question nucléaire, a mis en garde son interlocuteur : "Tout mauvais calcul empêcherait le succès des négociations. […] À Bagdad, nous attendons des actions qui permettront au peuple iranien d’avoir confiance." Habile retournement de situation, l’Occident souhaitant aussi pouvoir faire confiance.

La passation de pouvoirs n’avait pas encore eu lieu en France que l’Iran se risquait déjà à des menaces voilées, conforté par sa nouvelle crédibilité qui lui avait valu une reprise des négociations les 13 et 14 avril 2012 à Istanbul, et le 23 mai à Bagdad. Sur quoi se basait cette nouvelle crédibilité iranienne, que la visite "privée" de Michel Rocard n’a fait qu’asseoir davantage ? La réponse est à peine croyable : non, pas sur des garanties données à l’AIEA, pas sur des réponses "concrètes" ou des "détails" concernant le programme nucléaire iranien, comme en avait demandé Michel Rocard, mais sur une fatwa du Guide suprême Ali Khamenei.

Si ce n’était que cela… Cette fatwa n’existe pas et n’a jamais existé.

Les garanties iraniennes : une fatwa imaginaire du Guide Khamenei

En avril 2012, le MEMRI publiait un rapport de S. Savyon et Y. Carmon révélant que la reprise des négociations avec l’Iran était basée sur une fatwa imaginaire. Extraits :

"L’une des raisons ayant motivé la reprise de pourparlers sur le dossier nucléaire avec l’Iran, fut une prétendue fatwa attribuée au Guide suprême iranien Ali Khamenei, laquelle aurait stipulé que la production, l’accumulation et l’utilisation d’armes nucléaires est interdite en islam, et que la République islamique d’Iran n’entend pas obtenir de telles armes. Le fait est que les dirigeants américains ont considéré cette fatwa comme bien réelle, en analysant la portée sur la reprise des négociations à Istanbul.

Il existe bien des rapports de médias iraniens sur des propos émis par le représentant iranien Sirus Naseri. Ainsi, le 12 avril 2012, le ministre des Affaires étrangères Ali Akbar Salehi écrivait dans le Washington Post : ’Le Guide suprême a émis un décret religieux - une fatwa - interdisant la production, l’accumulation et la production d’armes nucléaires.’ Larijani a eu des propos similaires.

Il s’avère toutefois qu’aucun des sites officiels du Guide suprême iranien Ali Khamenei ne fait mention de cette fatwa. Ces sites publient des réponses aux questions posées en ligne. Les réponses bénéficient de l’aval du Guide et ont le statut de fatwas. Une fatwa est toujours une réponse à une question.

Le 15 mars 2012, une question est posée via Facebook, par un groupe se faisant appeler ’La lumière de la liberté’ :

Question : Votre excellence a annoncé une interdiction d’utiliser les armes nucléaires (…) Est-il également interdit d’obtenir des armes nucléaires, conformément à votre décret sur l’interdiction de les utiliser ? Réponse : Votre lettre ne contient aucun élément relatif à la jurisprudence. Lorsqu’elle se posera en termes de jurisprudence, il sera possible d’y répondre." La question est ainsi esquivée pour raison technique, ce qui permet de ne pas y répondre.

La Taqqiyya ou la justification religieuse du mensonge

Le rapport du MEMRI met en avant le principe chiite de Taqqiyya pour expliquer la mise en avant d’une fatwa imaginaire : "Il convient de noter que l’un des principes de l’islam chiite est la taqiyya - ’obligation de prudence’ - notamment dans un objectif d’autodéfense. La publication d’un rapport mensonger faisant allusion à une fatwa imaginaire, et la reprise de ce mensonge par des responsables iraniens, sont conformes au principe de taqqiya, qui s’applique en particulier aux non-musulmans."

Certains commentateurs politiques mettent en avant "la forme" nécessaire dans les relations avec l’Iran, forme qui serait "presque aussi importante" que le fond. C’est une curieuse analyse de la situation - peut-être un peu condescendante - quand on voit le peu d’importance que revête la forme chez le président iranien lui-même. En revanche, ce qui est certain, c’est que les responsables iraniens ont des objectifs clairement définis et qu’ils ne lésinent pas sur les moyens à utiliser pour les atteindre. Or la priorité iranienne actuelle demeure son programme nucléaire, et s’agissant de l’Occident, qu’il lui laisse le temps. Remettre les compteurs à zéro est, en ce sens, une bonne idée tactique (pour l’Iran).

Nathalie SZERMAN © Middle East Pact

Nathalie Szerman est journaliste franco-israélienne et conseillère du MEP.

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