Israël : Avec l’Afrique, contre le terrorisme ?.: le 8 juillet 2016
Dans cet article, l’auteur analyse les raisons et l’impact de la tournée du Premier ministre israélien en Afrique, laquelle s’inscrit directement dans le sillage de la lutte contre le terrorisme.
Au-delà de rompre l’isolement diplomatique d’Israël, la tournée en Afrique du Premier ministre Nétanyahou est un signal fort contre le terrorisme. Il n’y a pas de doute que l’un des deux objectifs de la tournée de Benyamin Nétanyahou, le Premier ministre israélien, en Afrique de l’Est (Ouganda, Kenya, Rwanda, le 6 juillet et Éthiopie, le 7) a été d’aider Kigali à mettre en place une politique de lutte contre le terrorisme dans cette Afrique de l’Est menacée par les djihadistes. Preuve de l’acuité du dossier pour le Rwanda : la présence au même moment de hauts responsables marocains chargés de la lutte antiterroriste. Il s’agit d’Abdellatif Hammouchi, patron de la DGSN (Direction générale de la sûreté nationale) et de la DGST (Direction générale de la surveillance du territoire), et de Mohamed Yassine Mansouri, (Direction générale des études et de la documentation, renseignements extérieurs). Il faut dire que le 6 juillet, à la cérémonie des vœux présentés au roi Mohammed VI à l’occasion de la fin du ramadan, leur absence avait jeté l’émoi dans le monde politique marocain avant qu’on apprenne, qu’ils étaient partis au Rwanda, à l’invitation du président Paul Kagame dont on se rappelle la visite officielle à Rabat fin juin. C’est que le royaume exporte dans nombre de pays africains son expertise en matière de sécurité et le Rwanda paraît manifestement intéressé.
Est-ce une coïncidence que tout ce monde se soit retrouvé en même temps dans la capitale rwandaise ? Certainement pas pour le Rwanda pour qui, à l’instar du Maroc et d’Israël, la lutte contre le terrorisme est la priorité des priorités. D’un côté, le Maroc affirme avoir déjoué plus de 300 tentatives d’attentat en quinze ans. Et le royaume exporte dans nombre de pays africains son expertise en matière de sécurité. De leur côté, nombre de pays d’Afrique subsaharienne abritent, à titre officieux, depuis plusieurs décennies, des Israéliens qui assurent des missions de sécurité, en particulier auprès des chefs d’État. Le djihadisme qui sévit de l’est (Somalie), à l’ouest (Mauritanie) du Sahel incite les capitales à renforcer leur coopération.
Israël, ce partenaire alternatif de choix
Le second objectif de Nétanyahou en entreprenant cette quadruple visite en Afrique de l’Est : sortir Israël de son isolement diplomatique, élargir le cercle des pays avec lesquels l’État hébreu pourrait entretenir des relations cordiales. Fin juin, la réconciliation avec la Turquie sur fond de ventes de gaz était mue par le même souci. Tel-Aviv espère récidiver avec l’Égypte.
Restait l’Afrique de l’Est avec laquelle l’État hébreu entretenait autrefois d’excellentes relations. On se souvient que c’étaient les Israéliens qui étaient intervenus le 4 juillet 1976 lorsqu’un commando palestinien avait détourné un avion d’Air France sur l’aéroport d’Entebbe, en Ouganda. Yoni, le frère aîné de Benyamin Nétanyahou y avait laissé la vie. On se souvient aussi de l’opération Salomon qui avait permis à Israël, en 1991, de ramener d’Éthiopie près de 15 000 juifs éthiopiens.
Puis Israël s’était détourné de la Corne de l’Afrique. Aucun Premier ministre n’a foulé le continent depuis Yitzhak Rabin en 1993, et l’Afrique ne représente aujourd’hui que 2 % du commerce extérieur israélien ! Tout y est à faire. Pour rattraper le temps perdu, Nétanyahou a emmené 80 chefs d’entreprise dans sa délégation. L’Afrique est friande de technologie israélienne, en particulier dans les domaines de l’eau et de l’agriculture. D’ailleurs, une coopération dans le secteur agricole se poursuivait ces dernières décennies avec l’Éthiopie.
Tourner une page d’histoire
Pourtant, les retrouvailles vont être plus ou moins aisées avec cette région du continent noir. Le Kenya et l’Éthiopie sont des alliés historiques d’Israël ; le Rwanda entretient d’excellentes relations avec l’État hébreu et y a nommé un ambassadeur en 2015. Cette proximité s’explique par leur même passé tragique (un génocide), un même sentiment d’être des minorités menacées dans leur région respective, mais aussi par le souhait actuel de Kigali de faire d’Israël un ancrage sur lequel le Rwanda pourrait compter, alors qu’il entretient des relations difficiles avec Paris, Washington et Londres.
L’Ouganda est par contre plus réticente vis-à-vis d’Israël. La visite de Nétanyahou n’y a pas été un franc succès et le président Yoweri Museweni, dans ses interventions, a invoqué la Palestine quand il s’agissait d’Israël… Il a aussi précisé à son hôte que les mouvements de libération ne combattent que pour "une cause juste et n’utilisent jamais de méthodes terroristes" et a rappelé la nécessité pour ceux "habitant la même terre (Israéliens et Palestiniens) de se mettre d’accord pour habiter côte à côte dans deux États". Une prise de position qui n’a pas empêché Museweni d’organiser chez lui un mini-sommet régional sur les questions de sécurité. "En tant que continent, nous avons eu une relation difficile avec Israël, mais le monde a changé et nous ne pouvons pas vivre dans le passé", a résumé Uhuru Kenyatta, le président kenyan.
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