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Analyses

Inde : un pays désarmé face au terrorisme

.: le 27 novembre 2008

L’ampleur des attentats de Bombay prouve qu’ils sont l’œuvre de terroristes bien organisés et disposant de moyens importants. Face à ces actions coordonnées, les services de sécurité et de renseignements indiens ont montré leurs limites. Et cela ne manque pas d’inquiéter la presse indienne.

Si, un jour, quelqu’un a besoin d’une leçon sur la manière de conduire des opérations spéciales à partir de la mer, il pourra prendre exemple sur les terroristes qui ont attaqué Bombay dans la soirée du 26 novembre. Les hommes qui sont arrivés à bord de vedettes auraient facilement pu passer pour des commandos de marine effectuant des manœuvres au large. Mais ce n’était pas le cas, et, comme l’a indiqué un expert de la sécurité, "le terrorisme mondial a fini par arriver chez nous" Ces attentats sont un 11 septembre indien à maints égards. L’envergure de l’offensive, en particulier, est sans précédent en Inde continentale, bien que le pays ait connu l’insurrection armée et le terrorisme dès le lendemain de son indépendance. En fait, l’Inde n’était pas du tout préparée à une telle opération. "C’est une chose de poser des bombes et de se fondre dans la foule. Et c’en est une autre d’arriver par la mer et de lancer une offensive d’une telle envergure", a déclaré un haut responsable du renseignement

Tout ce que l’on sait à ce stade, c’est que le courriel par lequel les Moudjahidin du Deccan ont revendiqué l’attaque a été envoyé de Russie. Des responsables de la sécurité ont annoncé que son auteur serait un membre du groupe islamiste Lashkar-e-Taiba, et c’est peut-être l’indication la plus importante dont on dispose sur les véritables commanditaires des attentats.

Jusqu’ici, les offensives de cette ampleur étaient la marque du Lashkar-e-Taiba, qu’il s’agisse de l’assaut contre un camp militaire situé à la périphérie de Jammu ou d’autres attaques similaires. S’il existe un groupe terroriste ayant l’entraînement, les fonds, les hommes et le soutien nécessaires pour réaliser de telles opérations, c’est bien lui. Le Hizbul Moudjahidin s’est rarement aventuré en dehors du Cachemire et le Jaish-e-Mohammed n’est pas en mesure de mener à bien une telle offensive.

Jusqu’à présent, les secteurs où il y a de fortes concentrations de touristes étrangers étaient souvent la cible d’Al-Qaida. Un ordinateur portable récupéré en 2006 par des soldats britanniques déployés en Irak a révélé que des agents de cette organisation avaient procédé à une vaste opération de reconnaissance dans plusieurs régions de l’Etat de Goa fréquentées par des touristes américains et israéliens. Les interrogatoires de terroristes arrêtés par la police de l’Etat de Karnataka avaient également révélé qu’ils projetaient de frapper la communauté internationale en Inde. Ce n’est pas une coïncidence si les terroristes qui viennent d’opérer à Bombay ont notamment pris pour cible l’hôtel Trident, où une conférence israélienne sur les exportations et importations de diamants était en train de se dérouler. Les liens entre le Lashkar-e-Taiba et Al-Qaida ne sont plus à démontrer depuis longtemps, et l’ampleur de ces attentats donne à penser qu’Al-Qaida a fini par étendre la sphère de son influence en Inde. Selon des officiers du renseignement, des rapports établis à partir de la surveillance électronique et d’interceptions ont révélé que l’organisation était en train d’établir une base sur les hauteurs de la chaîne montagneuse du Pir Panjal. De toute façon, lorsqu’un un navire est utilisé pour lancer un groupe armé à l’assaut de Bombay, il est permis de soupçonner la présence d’une organisation internationale derrière les attentats.

Un besoin de réformes

Comme toujours, la réaction indienne a beaucoup laissé à désirer. Alors que la police de Bombay était complètement prise au dépourvu, les agences centrales de renseignements ont elles aussi révélé leurs faiblesses. Mais sont-elles responsables des attentats à répétition ? Certainement pas. La faute en incombe aux dirigeants politiques, qui continuent à vouloir compenser les morts de civils par l’annonce d’indemnités médiocres et la promesse de "réorganiser les services de renseignements au niveau des Etats et du pays". Or, à eux seuls, les milieux du renseignement ne pourront jamais contrecarrer de tels attentats. L’absence de réforme de la police fait que l’appareil de sécurité existant est totalement inadapté pour faire face au terrorisme. Nos principes sont dépassés, notre renseignement humain dérisoire et notre volonté politique de combattre le terrorisme absente de notre discours public. La création d’une agence fédérale contre le terrorisme servira-t-elle à quelque chose ? Elle risque au contraire d’ajouter à la multiplicité des niveaux de commandement et de contrôle, et, partant, à la confusion dont souffre notre dispositif de sécurité depuis des décennies.

En revanche, on pourrait s’inspirer de la manière dont les Américains ont réformé leur système après le 11 septembre. Tandis que les forces de police ont été réorganisées au niveau des Etats, le Congrès a entrepris de mettre de l’ordre dans les services de renseignements, en ordonnant la création d’un bureau du directeur du renseignement national chargé de coordonner et de relier les différents organes du renseignement américain. En Inde, le Parlement n’a pas voix au chapitre, il n’y a pas d’obligation de rendre des comptes et pas de transparence. Des milliards de roupies de fonds secrets sont alloués chaque année, mais les gens continuent de mourir dans des endroits qui leur étaient familiers. La dernière série d’attentats servira-t-elle d’avertissement au pays ? C’est peu probable.

Saikat DATTA © Outlook

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