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Analyses

Crise nucléaire iranienne : sept ans de réflexion

.: le 17 novembre 2009

Les sanctions occidentales visant à stopper le programme nucléaire iranien se sont avérées inefficaces, constate Jean-Sylvestre Mongrenier. Voici sept ans que les négociations durent et l’Iran sera bientôt au seuil du nucléaire militaire.

Amorcé à Genève le 1er octobre 2009, le nouveau cycle de négociations entre les grandes puissances et le régime iranien a débouché sur un plan d’évacuation de l’uranium illégalement enrichi, pour transformation en combustible en Russie et en France (21 octobre 2009). Les dirigeants iraniens laissent en suspens leur réponse et les Occidentaux redoutent la fuite en avant. Voici sept ans que les négociations durent et l’Iran sera bientôt au seuil du nucléaire militaire.

De « dialogue critique » en négociations de la dernière chance, la crise nucléaire iranienne n’en finit pas. C’est à l’automne 2002, sept ans déjà, que les premiers renseignements sur le programme iranien d’enrichissement de l’uranium ont filtré. Aujourd’hui, le régime est en possession d’une tonne et demie d’uranium enrichi et de nouvelles informations, issues des rapports de l’AIEA, lèvent le voile sur la dimension militaire des recherches nucléaires menées dans cet Etat-paria.

L’affaire iranienne aura été le banc d’essai du Soft Power revendiqué par les Européens. Désireux de montrer à l’allié américain les vertus de la diplomatie et du dialogue, le Haut Représentant pour la PESC et les ministres des Affaires étrangères de l’UE-3 (France, Allemagne, Royaume-Uni) s’engagèrent bien vite sur ce front diplomatique. En octobre 2003, ils obtinrent de Téhéran la promesse d’une coopération plus étroite avec l’AIEA (Agence Internationale de l’Energie Atomique), non sans tergiversations et pas de deux.

Il faudra les pressions conjuguées des puissances occidentales, avec en toile de fond la menace virtuelle de bombardements américains, pour que les dirigeants iraniens se résignent, en novembre 2004, à suspendre l’enrichissement de l’uranium. Momentanément. Les rebondissements de la guerre en Irak accroissent les marges de manœuvre de l’Iran et l’élection à la présidence de Mahmoud Ahmadinejad, en octobre 2005, lève les inhibitions. Les accords passés sont rompus et l’enrichissement reprend. En parallèle, Téhéran teste des missiles balistiques et acquiert des lanceurs lourds, suffisamment puissants pour mettre sur orbite un satellite.

Inexorablement, le scénario du pire s’actualise. Les faits sont relativisés et les atermoiements offrent au régime une ressource stratégique majeure : le temps. Bientôt, il sera trop tard. Ainsi l’ouverture d’un nouveau cycle de négociations, en octobre dernier, et les aménités diplomatiques ont-elles suscité les commentaires lénifiants d’usage. Les uns et les autres voudraient tant que la guerre de Troie n’ait pas lieu. Las ! Le régime iranien tergiverse et divers signes laissent à penser qu’il pourrait refuser les dernières propositions de l’AIEA [1] (transfert du stock national d’uranium vers la Russie et la France, pour transformation en combustible, et retour en Iran).

Un tel refus marquerait l’échec de la « diplomatie de la main tendue », incarnée par Barack Obama. De fait, il ne suffit pas de s’afficher en « anti-Bush » et de pratiquer l’art du story telling pour faire disparaître l’antique vérité selon laquelle « l’homme est un loup pour l’homme ». A contrario, le sentiment d’impunité des dirigeants iraniens et leur jusqu’auboutisme valideraient la ligne de plus grande fermeté de la diplomatie française, aux avant-postes de cette crise rampante. Déjà, on sent poindre les contre-effets de l’ « Obamania » des mois écoulés. Que les rieurs se retiennent. L’affaire est trop sérieuse pour se prêter à des jeux de salons et il faut concéder le fait que les ouvertures diplomatiques américaines ont leur utilité.

Les enjeux sont cruciaux, le monde menace de basculer et il faut laisser ses chances à l’art de la persuasion, quand bien même seraient-elles ténues. Et ce d’autant plus que si l’épreuve de force prenait un tour violent, l’effort reposerait principalement sur les épaules des Etats-Unis. Enfin, les conflits entre nations et cultures ont pleinement investi le champ des médias et la conduite des crises requiert une diplomatie publique qui prenne en compte tant les idéologies douces de nos sociétés post-héroïques que la Némésis historique qui anime les opinions publiques d’autres aires de civilisation.

Par ailleurs, la conjoncture stratégique et les vents mauvais qui se lèvent invitent les puissances occidentales à faire le compte de leurs amis - au sens politique du terme -, de par le monde. Nonobstant la révision des projets américains de défense antimissile en Europe, les lignes de force de la diplomatie russe en Iran n’ont guère bougé. Le Kremlin semble privilégier le pacte qui lie la Russie à Téhéran, partenaire-clef des géopolitiques eurasiennes et moyen-orientales [2]. Quant à la Chine Populaire, encore dans le sillage de Moscou sur cette question, elle s’oppose toujours à de nouvelles sanctions internationales.

La crise iranienne est donc avant tout l’affaire des Occidentaux et le défi sera relevé par une coalition de bonnes volontés, soucieuse de maintenir les équilibres géopolitiques. Aussi nous faut-il méditer cette forte pensée de Burke : « Peut-être la seule chose dont nous ayons la responsabilité avec certitude est de prendre en charge notre temps. »

Jean-Sylvestre MONGRENIER © Institut Thomas More (France)

Docteur en géographie-géopolitique et chercheur associé à l’Institut Thomas More, Jean-Sylvestre Mongrenier est l’auteur de « La Russie menace-t-elle l’Occident ? », Editions Choiseul, novembre 2009.

Notes

[1] Pour l’heure, le régime islamique n’a pas encore fait connaître sa réponse, mais des députés iraniens ont annoncé, fin octobre, leur rejet de la proposition.

[2] Barack Obama et Dmitri Medvedev se sont rencontrés en marge du sommet Asie-Pacifique de Singapour, le 15 novembre dernier, et ils ont appelé Téhéran à accepter le plan négocié au sein de l’AIEA.

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